Analyses

Procédure d’expulsion : L’acharnement des pouvoirs publics contre la mosquée de Pessac et son président

Le répit aura été de courte durée. La mosquée de Pessac, en région bordelaise, est une nouvelle fois la cible de la préfecture de Gironde, cette fois-ci à travers la personne d’Abdouramane Ridouane, le président de l’association de la mosquée visé par une procédure d’expulsion. En 2022, la mosquée de Pessac a été temporairement fermée par la préfecture, car elle promouvrait « un islam radical » et véhiculerait « une idéologie salafiste » (citation arrêté de fermeture). La critique de la politique israélienne a également été invoquée dans l’arrêté de fermeture. Cet arrêté a été annulé par le Tribunal administratif de Bordeaux, décision par la suite confirmée par le Conseil d’Etat. Pourtant, ce sont les mêmes arguments qui sont aujourd’hui invoqués dans la demande de la Préfecture pour l’expulsion de M. Ridouane vers son pays d’origine, le Niger. La commission chargée d’examiner cette demande de la Préfecture se réunira vendredi 31 mai à 14h, au Tribunal judiciaire de Bordeaux. Suite à cet acharnement sur la mosquée de Pessac, l’édifice religieux a été dégradé par sept fois ces deux dernières années, avec des injures islamophobes et racistes. La dernière en date, le 25 mai dernier, par le groupe raciste « Action directe identitaire », qui a inscrit « Imams étrangers hors de France » sur l’un des murs. Une pétition de soutien à M. Ridouane a été lancée par le Comité Action Palestine. © Crédit photo : Photo CH. L, Sudouest, Abdourahmane Ridouane dans la salle de prière de la mosquée de Pessac. Voir aussi : Le Tribunal administratif de Bordeaux annule la décision de fermeture de la mosquée de Pessac (Gironde)

À propos de la violence juvénile : la religion comme « circonstance aggravante » ? 

Le 2 avril, une jeune fille de 14 ans, Samara, a été brutalement agressée près de son école à la suite d’un harcèlement sur les réseaux sociaux et dans l’enceinte de son collège. Samara a été rouée de coups, jusqu’au coma, par des camarades de son âge. Deux jours plus tard seulement, Shemseddine, 15 ans, est tabassé à mort par une bande de jeunes à la sortie de son collège en Essonne. À l’origine de cette violence, des messages échangés entre lui et une jeune fille « sur des sujets relatifs à la sexualité ».  Ces deux événements de rare gravité, survenus coup sur coup, mettent en lumière une violence alarmante entre jeunes. Ils ont légitimement suscité une vive émotion dans l’opinion publique. De fait, la recrudescence de la violence scolaire et juvénile est un fait social d’importance, dont il convient de prendre la mesure. Elle indique une brutalisation accrue de la société française, dont les symptômes excèdent la jeunesse.  La réponse gouvernementale, motivée par la stigmatisation des classes sociales populaires et des musulman.e.s, participe d’un même climat social particulièrement détérioré. Cette annonce survient à la fin d’un mois d’avril marqué par des faits de violence commis entre personnes de très jeune âge. Le Premier ministre Gabriel Attal s’est empressé d’appeler à un « vrai sursaut d’autorité » face à « l’addiction d’une partie de nos adolescents à la violence » et à une « minorité qui tente de faire régner sa loi et de déstabiliser la République ». Le mardi 30 avril, il annonce la publication d’une circulaire pénale « pour que le motif du non-respect d’un précepte religieux lors d’une agression constitue une circonstance aggravante ». Qu’importe que ces déclarations soient aussi illusoires que contre-productives ; qu’aucune source ne valide l’hypothèse d’une pression religieuse s’agissant de Samara ; ou que Shemseddine ait lui aussi été musulman. La réponse gouvernementale de fait vise moins à traiter le phénomène de la violence juvénile – ce qui nécessiterait d’interroger les effets de la précarisation des classes populaires et de l’institution scolaire – qu’à rejouer l’éternelle dénonciation du séparatisme islamiste, origine implacable de toutes les actualités d’un débat public chauffé à blanc contre la communauté musulmane de France.  Peut-on alors s’étonner que l’une des principales réponses au phénomène de la violence juvénile consiste en une énième séquence de dénonciation des Musulmans ? Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a ainsi annoncé le principe d’une circulaire pénale explicitement dirigée contre ceux-ci – et leurs pratiques supposées –  au détour d’une interview : « On agresse quelqu’un parce qu’il est juif, cette discrimination est une circonstance aggravante mais on agresse quelqu’un parce qu’il n’a pas fait le ramadan par exemple, ça peut être retenu (comme circonstance aggravante) mais ça ne l’est pas toujours. C’est ce que je vais rappeler aux procureurs dans cette circulaire ».  Il s’agit selon le ministre de la Justice « d’attaquer le mal à la racine », c’est-à-dire de « poursuivre notre lutte sans merci contre le séparatisme, et notamment le séparatisme islamiste. De plus en plus, les violences des jeunes se déroulent sur fond de contestation des valeurs républicaines, de contestation de la laïcité et des violences se déroulent sur ce terreau-là.» Et d’ajouter : « Pas question qu’une jeune fille ne soit pas libre de s’y promener sans voile si elle le souhaite. Pas question qu’un jeune garçon ne puisse pas manger ce qu’il souhaite, quand il le souhaite. Partout en France, la seule loi qui s’applique, c’est celle de la République ».  Peut-être faudrait-il rappeler que la religion est déjà une circonstance aggravante pour les élèves perçu·e·s comme musulman·e·s, ciblé·e·s tour à tour pour leurs choix vestimentaires, pour les signes de leurs pratiques religieuses, pour leur prétendu manque d’attachement aux valeurs républicaines ou encore pour des signes de soutien à la Palestine. Les élèves musulman·e·s ont ainsi déjà fait les frais d’une longue période de lutte contre la radicalisation et contre le séparatisme qui a fait naître une société de vigilance basée sur l’encouragement à signaler tout comportement anormal, suspect, et en incitant à voir tout signe de pratique religieuse liée à l’islam comme un signe de potentiel radicalisation. À la faveur de cette peur des musulmans, des jeunes enfants, dont un âgé de seulement 8 ans, ont été convoqués par la police parce qu’ils ont été jugés dangereux par ceux et celles qui en avaient la responsabilité au sein de l’institution scolaire.  L’école est un lieu où les élèves répercutent de toute part la violence sociale et en conçoivent leurs propres excès pathologiques. Il ne s’agit-il pas de minimiser la dangerosité des violences produites par la misogynie, le virilisme et la somme des conservatismes, ou de faire des évènements récemment survenus de simples faits divers. Il s’agit néanmoins de freiner la construction d’un environnement scolaire qui devient de plus en plus irrespirable pour les enfants musulmans. Ce n’est pas en s’attaquant à la dernière instance de la violence sociale généralisée qu’on propose une voie de sortie de celle-ci. Le temps presse, l’incapacité du gouvernement à répondre autrement que de façon raciste et islamophobe est inquiétante. Aujourd’hui comme hier, la seule possibilité de sortie par le haut de la violence généralisée est celle de la construction d’un autre rapport entre l’État et ses musulmans, fondé, enfin, sur l’alliance et le dialogue.

7 ans à la présidence : les principaux accomplissements de Macron

Le chef de l’État français a été élu il y a sept ans. Passage en revue de quelques-uns de ses principaux accomplissements. 1. Une République exemplaire M. Macron a nommé une succession de gouvernements dont un grand nombre de ministres a été accusé de prise illégale d’intérêt, de corruption, d’harcèlement moral ou de viol. Dès les premières semaines de son mandat, un conseiller présidentiel s’illustrait ainsi par la violence portée sur des manifestants, début d’une dérive progressive vers le gouvernement jupitérien – un synonyme d’autoritarisme ? 2. Une démocratie raffermie  Adepte du pouvoir solitaire et du coup de menton permanent, M. Macron n’a eu de cesse de réduire le Parlement à une chambre d’enregistrement de ses décrets, d’abord par le biais d’un parti présidentiel hégémonique et caporalisé puis, lorsque celui-ci a essuyé une cuisante défaite électorale, à l’usage immodéré du 49.3, disposition anti-démocratique s’il en est. Cette curieuse conception de l’état de droit par M. Macron s’est également manifestée au cours des temps de protestation sociale, lors desquels son gouvernement a systématiquement fait usage d’une force policière brute devenue, à coup d’éborgnement de manifestants et de renoncements successifs de la classe politique, un siège majeur de pouvoir étatique. 3. Un État social préservé  Cet amour du passage en force pour toute politique ne s’est pourtant pas déployé sans direction idéologique. M. Macron a dédié son action au détricotage de l’État social français, fruit du contrat établi entre les forces vives de la nation au sortir de la Seconde guerre mondiale. Réformes, allocations, assurance-chômage, habitat à loyer modéré, hôpital public, école républicaine… Aucune des institutions au cœur de la République n’a été épargnée par la pensée libérale de M. Macron, dont se fait encore attendre le ruissellement promis par une politique au seul profit des plus aisés. 4. Une minorité musulmane reconnue À l’évidence, la colère sociale s’est accrue, approfondie, raidie. L’empêchement du débat démocratique n’a eu de cesse de stimuler les pires affects contemporains. Le racisme, l’antisémitisme ou l’islamophobie ont retrouvé tous leurs quartiers de noblesse, si tant est qu’ils ne les aient jamais perdus. M. Macron a cependant fait le choix conscient de donner à l’islamophobie le caractère d’un paradigme de gouvernement. Stigmatisation accrue des musulmans, concorde médiatique avec les forces les plus réactionnaires de la société française, avant que la politique islamophobe ne se matérialise par une inique loi-séparatisme, dont tant les prémices idéologiques complotistes que les effets dévastateurs laissent à craindre le pire pour les musulmans de France. De dissolution en dissolution, d’expulsion en expulsion, M. Macron et son gouvernement ont fait le choix d’adresser un message sans équivoque à la minorité musulmane française.  5. Un pays ouvert et reconnaissant à l’égard de ceux qui le construisent  Mais les musulmans n’ont pas eu le monopole des attentions du gouvernement, dont les orientations stratégiques semblent dictées depuis CNEWS. La sidérante loi-immigration (dont Marine Le Pen a pu dire qu’elle était une victoire idéologique de son parti fondé sur les restes de la Collaboration) a ainsi représenté une brisure sans équivalent dans l’état de droit en France, en instituant la préférence nationale, la déchéance de nationalité pour les Français binationaux et la précarisation de l’ensemble des étrangers en France. Profondément xénophobe, cette loi, même en partie retoquée par le Conseil constitutionnel, ouvre la porte à toutes les régressions démocratiques et juridiques. 6. Des principes politiques réaffirmés sur le plan international M. Macron s’est fait fort de manifester la plus délicate obséquiosité à l’égard des chefs d’État les plus autoritaires. De Poutine accueilli à Versailles au fils Déby intronisé sous le regard bienveillant de la France, du « cher Bibi » donné à Netanyahu au tapis rouge déroulé au maréchal Sissi, le chef de l’État a ainsi su choisir ses alliés selon un savant mélange de connivence idéologique et de cynisme géopolitique. 7. Valse avec Marine  Que retiendra-t-on à l’avenir des mandats de M. Macron ? Sans doute la course effrénée à l’extrême-droite et à ses thèses les plus dangereuses est-elle la réalité la plus constante de son exercice du pouvoir, érigeant ainsi M. Macron en figure de la révolution conservatrice contemporaine. À l’heure de la progression soutenue des forces réactionnaires au sein de la société française, il est hélas fort à parier que l’on ne se souviendra de M. Macron que comme le président d’avant Marine, celui qui par son national-libéralisme aura ouvert la porte au national-nationalisme.

La victoire de Sarah Chaari et le problème des parcours « d’exception »

A seulement 17 ans, Sarah Chaari, Belgo-Marocaine originaire de Charleroi et portant le voile, a été sacrée championne du monde de Taekwondo la semaine dernière au Mexique. La jeune athlète a ainsi offert à la Belgique la deuxième médaille d’or pour un championnat du monde et la première dans la catégorie féminine. Elle est de surcroît la seule athlète au monde à avoir remporté dans la même année le titre mondial chez les juniors et les seniors. Selon un schéma désormais connu car moult fois répété, les victoires internationales de personnes appartenant à des groupes marginalisés dans leur pays sont célébrées comme des victoires nationales. Comme si ces victoires ouvraient des parenthèses enchantées où ces personnes étaient tout à coup considérées comme des citoyennes et citoyens de premier ordre, dignes de représenter leur pays et de personnifier l’égalité des chances dont elles ont bénéficié, les diverses discriminations qu’elles ont vécues par ailleurs tout au long de leur parcours sont opportunément passées sous silence. Il semble cependant difficile de faire l’économie de cette analyse, tant le contraste est marqué entre l’ingénuité avec laquelle cette actualité victorieuse est relayée et le sort de bon nombre de femmes musulmanes souhaitant porter le voile en Belgique. Si la jeune Sarah Chaari démontre par son parcours une combativité redoutable et admirable, il ne faut pas cependant oublier de considérer la somme des obstacles, des épreuves et des remises en question forcées auxquels sont confrontées de nombreuses femmes musulmanes. Le couronnement de Sarah Chaari ne doit ainsi pas faire occulter la somme des renoncements forcés, des demi-tours et des ambitions déçues qui marquent le parcours de nombreuses femmes voilées et qui ont des conséquences subjectives durables. Empêchées d’enseigner, d’étudier, de pratiquer leur sport librement, soumises à la possibilité constante d’humiliations, de discriminations, d’insultes, les effets du débat public dans la vie des femmes qui choisissent de porter le foulard peuvent mener à bout les plus déterminées d’entre elles. Les parcours de réussite ou « d’excellence », comme il est d’usage de les nommer, ne sont ainsi pas la preuve incarnée des efforts d’inclusion des minorités par la société majoritaire, tout comme ils ne sont pas non plus le signe que « quand on veut, on peut ». Célébrer l’excellence d’un parcours individuel d’une femme portant le voile en dégageant d’un revers de main les difficultés rencontrées par bon nombre des femmes qui ont fait le même choix quant à leurs pratiques religieuses est ainsi malavisé. Intimer à des personnes objectivement victimes de divers mécanismes de minorisation l’idée que leur sort reposerait principalement sur la force de leur volonté, c’est les rendre en effet injustement responsables des problèmes structurels auxquels elles sont confrontées. Le CCIE félicite ainsi bien sûr la victoire de Sarah Chaari. Mais il est important également de réitérer que peu importe les victoires, les médailles, les diplômes, ou les parcours dits “d’exception”, chaque personne, sans exception, mérite de bénéficier des mêmes droits, des mêmes chances et des mêmes libertés.

Des signes religieux « par destination » : les conséquences alarmantes d’un élargissement de la loi sur les signes religieux à l’école   

Le 13 octobre, le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse Pap Ndiaye a déclaré dans un article paru dans le journal Le Monde qu’il existerait des « signes religieux par destination », c’est-à-dire qui deviendraient religieux « par une intention que leur prête leur auteur. » Selon lui, « un bandana n’est pas un signe religieux en lui-même, mais il peut le devenir ». L’expression de « signes religieux par destination » a par la suite été employée le même jour par la Secrétaire d’État auprès du ministre des Armées et du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse Sarah el Haïry qui a déclaré : « L’école est un sanctuaire, que l’on doit protéger de tout prosélytisme. Quand une tenue est un signe religieux par nature ou par destination : alors elle est interdite et n’a rien à faire au sein d’un établissement scolaire. » Quelques jours plus tard, le 18 octobre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin adresse une lettre à l’attention de tous les préfets de France affirmant que « les abayas ou les qamis constituent bien des vêtements religieux par destination dès lors que la finalité qui s’attache à leur port ne fait aucun doute ». Tout porte à croire que ce concept fraîchement fabriqué de « signes religieux par destination » et les mesures qu’il permet inaugure une nouvelle séquence de répression accrue pour les lycéens et collégiens de confession musulmane. C’est ce que montrent en effet les nombreux témoignages d’élèves qui ont été victimes lors de cette rentrée scolaire d’actes discriminatoires et portant atteinte à leurs libertés fondamentales du fait de leurs façons de se vêtir : insultes, intimidation, humiliations, injonctions à se déshabiller, menaces d’exclusion ou de conseils disciplinaires, les témoignages sont alarmants. Le personnel pédagogique des établissements concernés, ainsi explicitement encouragé par le gouvernement à traquer les « signes religieux par destination », ont fait vivre à ces élèves des épisodes de véritable harcèlement, uniquement parce que leurs tenues ont été jugées trop amples, trop longues, ou trop couvrantes. De simples gilets, des capuches, des écharpes portées rapidement sur la tête pour se protéger de la pluie un instant, ont ainsi provoqué des réactions tout à fait démesurées. Dans une lettre adressée aux recteurs, le ministère de l’Éducation nationale incitait en effet à considérer comme une atteinte à la laïcité « les signes ou tenues [qui] ne sont pas par nature des signes d’appartenance religieuse, mais le deviennent indirectement et manifestement compte tenu de la volonté de l’élève de leur faire produire cette signification, au regard de son comportement. » Cette formulation extrêmement floue pousse le personnel éducatif à réaliser de véritables enquêtes afin de déterminer si la tenue de l’élève est ou non à considérer comme religieuse. Les témoignages recueillis par le CCIE reflètent ainsi une tenace volonté d’incursion dans la vie personnelle des élèves : quelles sont leurs croyances religieuses ? l’élève porte-t-elle le voile en dehors de l’établissement ? porte-t-elle un legging en dessous de sa robe ? porte-t-elle toujours ce type de tenue ? etc… C’est là toute la contradiction de cette nouvelle interprétation de la laïcité à l’école. Si des membres du gouvernement ont déclaré pour justifier cette démarche « qu’on ne doit pas deviner la confession du jeune », c’est l’exacte inverse qui se produit puisque le personnel pédagogique est précisément encouragé à « deviner », à chercher activement à déterminer la religiosité de l’élève à travers un faisceau de « signes » (le comportement de l’élève, la permanence de la tenue, son refus de l’enlever, sa culture familiale, ses positionnements politiques sur les attentats par exemple, etc…). Cette politique de suspicion à l’égard des élèves est extrêmement inquiétante, d’autant plus qu’elle cible principalement les jeunes filles : ce sont en effet elles qui, de manière écrasante, font l’objet d’un tel traitement. La focalisation des administrations concernées quant à leurs tenues vestimentaires envoie à ces jeunes filles un message déplorable, à un âge de grande vulnérabilité. Les injonctions à se dévêtir, à se découvrir, à montrer ce qu’il y a sous la robe, laissent en effet entendre qu’un certain niveau de dévoilement du corps est nécessaire à leur présence à l’école. Face à ce message sexiste, il faut réitérer le droit fondamental de ces jeunes filles à faire leurs propres choix quant à leurs façons de s’habiller.   Par ailleurs, ce sont systématiquement les élèves perçues comme d’origine maghrébine ou africaine qui subissent ces prises à partie, car le personnel éducatif déduit de leurs origines leurs appartenances religieuses. La surveillance des choix vestimentaires des jeunes filles revêt ainsi une dimension raciste, puisqu’elle concerne presque systématiquement les jeunes filles considérées par l’administration des lycées comme d’origine maghrébine ou africaine. Atteinte aux libertés fondamentales des élèves, pratiques humiliantes, sexistes et racistes envers des mineur.e.s, c’est le résultat consternant de l’injonction à détecter les « signes religieux par destination ». Le CCIE est chaque jour sollicité pour soutenir des centaines de lycéen.ne.s en proie à une véritable police de la conscience à l’école. À tout cela doit s’ajouter une couverture médiatique et politique qui n’hésite pas à présenter les élèves concerné.e.s comme des agent.e.s d’une « offensive islamiste », dans une rhétorique qui criminalise de simples choix vestimentaires et opère un rapprochement tendancieux avec l’assassinat du professeur Samuel Paty. Les chiffres officiels mobilisés pour démontrer la multiplication des atteintes à la laïcité lors de cette rentrée ne prouvent pas, comme le prétend le ministre de l’Intérieur, l’éruption d’une « offensive islamiste » orchestrée pour faire pression sur l’école. Ils reflètent plutôt l’élargissement délibéré de la définition de la notion d’atteinte à la laïcité, et l’intensification des signalements dans un climat de surveillance policière. Il est intolérable que l’école devienne le lieu d’une telle violence à l’endroit des élèves, qu’on les humilie pour leurs choix vestimentaires et qu’on leur dénie ainsi leur liberté de conscience. Le glissement de l’interdiction des signes religieux dits « ostentatoires » aux signes religieux « par destination » doit donc retenir toute

Mosquées : le laissez-passer de Darmanin ?

Gérald Darmanin semble choisir de réagir aux actes haineux islamophobes visant les mosquées en fonction de l’adhésion de ces dernières à la Charte des principes de l’Islam de France. Explications. La dernière réaction de Gérald Darmanin suite à la profanation de la mosquée de La Mûre a fait couler beaucoup d’encre. Beaucoup ont relevé l’hypocrisie d’une condamnation de façade face à une politique de diabolisation des mosquées de France. C’est encore pire que cela. Si on pouvait malheureusement s’en douter, c’est désormais démontrable : Gérald Darmanin, ministre chargé de la protection des cultes, semble choisir de condamner (ou non) une profanation à l’encontre d’une mosquée selon que celle-ci a signé (ou pas) la charte des principes de l’Islam de France. C’est un nouveau palier inédit qui est franchi dans la banalisation de l’expression de haine à l’égard des musulmans.  Pas de charte, pas de condamnation ? Les chiffres sont implacables. En 2021, 30 mosquées et institutions musulmanes ont été visées par des actes haineux. 18 sont survenus au cours des quatre derniers mois. 27 ont ciblé directement des mosquées. Un tag haineux a ciblé l’ONG musulmane “Human Appeal”, un centre-ville historique a été couvert de tags “Islam Dehors”, et enfin, une lettre de menace de mort a été envoyée au Président de la confédération Milli Görus, Fatih Sarikir. Sur ces 30 manifestations de haine à l’égard des musulmans, Gérald Darmanin n’a eu de mots de condamnation sous forme de tweets qu’à 8 reprises. Jamais une seule mosquée turque dépendante des confédérations CIMG (Milli Gorus) ou DITIB n’ont eu de mots de sa part, quelle que soit, par ailleurs, l’ignominie des messages haineux adressés aux mosquées. Ou plutôt si. La seule fois étant la salle de prière de La Mure, gérée par une association turque, et visée par un acte haineux le 28 décembre dernier, soit quelques jours après que le CIMG, et les deux autres fédérations restantes (Foi et Pratique et DITIB) aient finalement signé la charte des principes de l’Islam de France. Pour rappel, la charte des principes de l’Islam de France est un texte largement controversé, en ce qu’il impose un cadre dépassant les règles de neutralité de l’état en matière de laïcité par rapport au culte musulman. Elle contient également une mention intimant les responsables du lieu de culte de ne pas faire mention d’une “islamophobie d’État” lors des prêches. Le texte, tant par la démarche que par son contenu, avait suscité de vives critiques du monde associatif musulman. À la question : « Est-ce que les actes de la politique du Ministère de l’Intérieur conduisent à banaliser les actes haineux à l’égard des mosquées ?”, la réponse devient alors évidente. Et cela fait froid dans le dos, particulièrement dans un contexte où nous notons des actions coordonnées contre des mosquées. Des attaques coordonnées et…banalisées Dans la nuit du 7 novembre au 8 novembre 2021, quatre mosquées du département du Doubs (25) en Bourgogne-Franche-Comté sont marquées à la peinture rouge d’une croix de Lorraine. Deux semaines plus tard, dans la nuit du 20 novembre au 21 novembre 2021, deux mosquées ont subi le même sort. Au total, 6 mosquées ont été visées dans le Doubs, avec le même mode opératoire, mais aucune mesure officielle de protection renforcée de ces mosquées n’a été annoncée par le préfet Jean-François Colombet.  Détail supplémentaire : alors que la première attaque visant quatre mosquées, appartenant toutes à la fédération turque Ditib, n’avait suscité aucune réaction ni de la part du Préfet, ni du Ministre de l’Intérieur, la seconde attaque visant deux mosquées a été unanimement condamnée par les autorités publiques. À noter que ces deux dernières mosquées n’appartiennent pas aux confédérations turques.  Par ailleurs, nous constatons une forme de revendication politique assumée dans les attaques visant les mosquées, reflétant les discours politiques. Par exemple, la Croix de Lorraine était un symbole de résistance face à l’Allemagne nazie. Ici, elle est utilisée pour viser les membres des communautés musulmanes en écho aux discours ambiants comparant des militants antiracistes perçus comme musulmans à des “nazislamistes”. Nous nous rappelons également des discours comparant le voile à un brassard nazi. Le 10 avril 2021, c’était le Centre Avicennes à Rennes qui était visé par plusieurs tags islamophobes haineux. Parmi ces messages, nous pouvions y lire “EELV = traîtres” quelques semaines après la polémique nationale qui avait visé la municipalité écologique de Strasbourg suite à son aval au projet de construction de la mosquée Eyyup Sultan.  Les discours des personalités politiques favorisent les passages aux actes haineux et nourrissant un cercle sans fin de surenchère islamophobe. L’exemple le plus éclatant du sentiment d’impunité qui anime les auteurs des tags haineux est ce message s’adressant au gouvernement, laissé sur le mur de la mosquée de Martigues en juillet dernier, au milieu d’inscriptions obscènes “Arab dehors, “porc”, “N*k musulmans” : “À l’aide gouvernement: le sentiment d’insécurité est une réalité”. Les agissements du Premier flic de France, conditionnant son indignation à des actes intentant aux biens et à l’intégrité de fidèles musulmans à la signature d’une charte, viennent renforcer une logique où il y aurait des “bons musulmans”, qui mériteraient notre solidarité, tandis que les autres mériteraient leur sort.  Cela paraît d’autant plus alarmant que la “carte des mosquées non signataires de la charte”, publiée par le fasciste et fondateur de Fdesouche Damien Rieu le 10 mars 2021, est toujours en ligne, accessible par tous sur Twitter. Si Cédric O, Secrétaire d’État à la transition numérique a su en début de semaine trouver des ressources pour contacter directement Instagram afin de faciliter la certification du compte de l’influenceuse controversée Mila, il semblerait que personne au gouvernement n’ait eu le temps de contacter Twitter France pour leur suggérer de supprimer ce tweet, alors qu’au moins un tiers des mosquées visées en 2021 se retrouvent sur cette carte. Un questionnement s’impose alors : qui est-ce qui s’enfonce de plus en plus dans le séparatisme, en excluant du contrat républicain une partie de sa population ?

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