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"Let's be realistic, let's demand the impossible": defeating Islamophobia to put an end to the fascist threat

Les résultats du second tour des élections législatives en France de juillet 2024 sont une éclaircie inattendue dans la chronique de la prise de pouvoir de l’extrême-droite. Ce succès des forces coalisées de la gauche démontre que la marche triomphale des courants nationalistes et réactionnaires n’a rien d’inéluctable, qu’une proposition de justice sociale peut faire reculer les affects racistes à l’œuvre au sein des sociétés européennes.  Le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) joint sa voix à ceux et celles qui se réjouissent de la victoire du Nouveau Front populaire. La stratégie du choc promue par le chef de l’État, dont l’effet attendu était d’offrir le pouvoir au Front national, n’a pas fonctionné, la société française a démontré qu’un autre futur était possible, fondé sur la liberté, l’égalité et la fraternité. Cependant, ces mots sont destinés à demeurer vains si la gauche, qui sera peut-être au pouvoir à compter des jours prochains, ne défait pas le nœud de l’islamophobie dans lequel est prise la société française. Le CCIE ne peut faire semblant d’oublier que les forces de gauche triomphantes aujourd’hui n’ont que peu combattu la succession des mesures infligées aux communautés musulmanes de France tout au long des dernières années.  Les dissolutions d’organisations issues de la société civile, la loi séparatisme, la focalisation du débat public sur chaque pratique des musulmanes et des musulmans (existe-t-il une communauté dont l’humiliation quotidienne constitue à ce point un sport national ?), les perquisitions administratives… En France, la criminalisation des individus, y compris des enfants, et des organisations collectives peut être conduite sans que nul contre-pouvoir n’entre en action. Cette trame politique est la condition nécessaire de l’accession au pouvoir de l’extrême-droite, laquelle est seule à proposer la solution au « problème musulman »que d’autres ont construit pour elle.  Souvent indifférente au sort des musulmans et des musulmanes tout au long des dernières années en France et parfois même partie prenante de la surenchère, la gauche a une responsabilité morale qu’elle ne peut fuir aujourd’hui, à l’heure de son triomphe. Cette responsabilité se double d’une nécessité politique : sans apaisement de la nation par le tissage de nouveaux liens entre les groupes sociaux qui la composent, sans reflux de la frénésie islamophobe (c’est-à-dire d’abord par  l’abolition des mesures décidées par la présidence Macron), on peut craindre que le recul des forces nationalistes et réactionnaires ne soit qu’une brève embellie.  Mettre un terme à l’islamophobie comme politique de gouvernement n’est pas qu’un devoir moral de la gauche, elle n’est pas seulement un geste d’amitié civique envers les musulmans et les musulmanes de France, mais une manière d’expurger la société des affects les plus dangereux qui y prennent forme. Il en va de notre salut à toutes et tous.

In France, does the CRIF play a role in censoring social networks?

Existe-t-il un lien entre les fermetures de comptes sur les réseaux sociaux et le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) ? C’est la question qui se pose légitimement quand on s’intéresse à PBB.News, un compte Instagram réunissant presque 2 millions d’abonnés, qui a été désactivé le 28 mars après de nombreux signalements suite aux articles rendant compte de la situation en Palestine. En 8 ans de travail, c’est la 4e fois que la rédaction se voit fermer ses comptes Instagram, perdant à chaque fois plusieurs centaines de milliers d’abonnés. Pourquoi cette censure des publications dénonçant le génocide en cours à G@za, comme c’est le cas de PBB.News ? Peut-être parce que le 13 mai dernier, le CRIF a rencontré Laurent Solly, vice-président Europe du Sud de Meta, et dont les échanges ont porté sur « les engagements de Meta dans la lutte contre l’antisémitisme et les haines sur Internet », d’après un tweet du CRIF sur X. On peut donc légitimement se demander quel rôle le CRIF joue dans la censure opérée sur Meta quant aux publications qui dénoncent la politique g€nocidaire de l’Etat d’Israël, comme PBB.News en a fait l’expérience. Depuis le début des offensives meurtrières à G@za en octobre dernier, le groupe Meta (qui possède Facebook, Instagram, Threads et WhatsApp) n’a cessé de censurer les soutiens à la cause p@lestinienne publiés sur ses réseaux. Visibilité réduite, fonctionnalités bloquées, et allant jusqu’à la désactivation simple et incontestable du compte sur le réseau. Le CCIE apporte son soutien à tous les groupes d’information qui cherchent à exposer des situations de discriminations sur les réseaux sociaux et qui sont censurés pour cela.

À propos de la violence juvénile : la religion comme « circonstance aggravante » ? 

Le 2 avril, une jeune fille de 14 ans, Samara, a été brutalement agressée près de son école à la suite d’un harcèlement sur les réseaux sociaux et dans l’enceinte de son collège. Samara a été rouée de coups, jusqu’au coma, par des camarades de son âge. Deux jours plus tard seulement, Shemseddine, 15 ans, est tabassé à mort par une bande de jeunes à la sortie de son collège en Essonne. À l’origine de cette violence, des messages échangés entre lui et une jeune fille « sur des sujets relatifs à la sexualité ».  Ces deux événements de rare gravité, survenus coup sur coup, mettent en lumière une violence alarmante entre jeunes. Ils ont légitimement suscité une vive émotion dans l’opinion publique. De fait, la recrudescence de la violence scolaire et juvénile est un fait social d’importance, dont il convient de prendre la mesure. Elle indique une brutalisation accrue de la société française, dont les symptômes excèdent la jeunesse.  La réponse gouvernementale, motivée par la stigmatisation des classes sociales populaires et des musulman.e.s, participe d’un même climat social particulièrement détérioré. Cette annonce survient à la fin d’un mois d’avril marqué par des faits de violence commis entre personnes de très jeune âge. Le Premier ministre Gabriel Attal s’est empressé d’appeler à un « vrai sursaut d’autorité » face à « l’addiction d’une partie de nos adolescents à la violence » et à une « minorité qui tente de faire régner sa loi et de déstabiliser la République ». Le mardi 30 avril, il annonce la publication d’une circulaire pénale « pour que le motif du non-respect d’un précepte religieux lors d’une agression constitue une circonstance aggravante ». Qu’importe que ces déclarations soient aussi illusoires que contre-productives ; qu’aucune source ne valide l’hypothèse d’une pression religieuse s’agissant de Samara ; ou que Shemseddine ait lui aussi été musulman. La réponse gouvernementale de fait vise moins à traiter le phénomène de la violence juvénile – ce qui nécessiterait d’interroger les effets de la précarisation des classes populaires et de l’institution scolaire – qu’à rejouer l’éternelle dénonciation du séparatisme islamiste, origine implacable de toutes les actualités d’un débat public chauffé à blanc contre la communauté musulmane de France.  Peut-on alors s’étonner que l’une des principales réponses au phénomène de la violence juvénile consiste en une énième séquence de dénonciation des Musulmans ? Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a ainsi annoncé le principe d’une circulaire pénale explicitement dirigée contre ceux-ci – et leurs pratiques supposées –  au détour d’une interview : « On agresse quelqu’un parce qu’il est juif, cette discrimination est une circonstance aggravante mais on agresse quelqu’un parce qu’il n’a pas fait le ramadan par exemple, ça peut être retenu (comme circonstance aggravante) mais ça ne l’est pas toujours. C’est ce que je vais rappeler aux procureurs dans cette circulaire ».  Il s’agit selon le ministre de la Justice « d’attaquer le mal à la racine », c’est-à-dire de « poursuivre notre lutte sans merci contre le séparatisme, et notamment le séparatisme islamiste. De plus en plus, les violences des jeunes se déroulent sur fond de contestation des valeurs républicaines, de contestation de la laïcité et des violences se déroulent sur ce terreau-là.» Et d’ajouter : « Pas question qu’une jeune fille ne soit pas libre de s’y promener sans voile si elle le souhaite. Pas question qu’un jeune garçon ne puisse pas manger ce qu’il souhaite, quand il le souhaite. Partout en France, la seule loi qui s’applique, c’est celle de la République ».  Peut-être faudrait-il rappeler que la religion est déjà une circonstance aggravante pour les élèves perçu·e·s comme musulman·e·s, ciblé·e·s tour à tour pour leurs choix vestimentaires, pour les signes de leurs pratiques religieuses, pour leur prétendu manque d’attachement aux valeurs républicaines ou encore pour des signes de soutien à la Palestine. Les élèves musulman·e·s ont ainsi déjà fait les frais d’une longue période de lutte contre la radicalisation et contre le séparatisme qui a fait naître une société de vigilance basée sur l’encouragement à signaler tout comportement anormal, suspect, et en incitant à voir tout signe de pratique religieuse liée à l’islam comme un signe de potentiel radicalisation. À la faveur de cette peur des musulmans, des jeunes enfants, dont un âgé de seulement 8 ans, ont été convoqués par la police parce qu’ils ont été jugés dangereux par ceux et celles qui en avaient la responsabilité au sein de l’institution scolaire.  L’école est un lieu où les élèves répercutent de toute part la violence sociale et en conçoivent leurs propres excès pathologiques. Il ne s’agit-il pas de minimiser la dangerosité des violences produites par la misogynie, le virilisme et la somme des conservatismes, ou de faire des évènements récemment survenus de simples faits divers. Il s’agit néanmoins de freiner la construction d’un environnement scolaire qui devient de plus en plus irrespirable pour les enfants musulmans. Ce n’est pas en s’attaquant à la dernière instance de la violence sociale généralisée qu’on propose une voie de sortie de celle-ci. Le temps presse, l’incapacité du gouvernement à répondre autrement que de façon raciste et islamophobe est inquiétante. Aujourd’hui comme hier, la seule possibilité de sortie par le haut de la violence généralisée est celle de la construction d’un autre rapport entre l’État et ses musulmans, fondé, enfin, sur l’alliance et le dialogue.

7 ans à la présidence : les principaux accomplissements de Macron

Le chef de l’État français a été élu il y a sept ans. Passage en revue de quelques-uns de ses principaux accomplissements. 1. Une République exemplaire M. Macron a nommé une succession de gouvernements dont un grand nombre de ministres a été accusé de prise illégale d’intérêt, de corruption, d’harcèlement moral ou de viol. Dès les premières semaines de son mandat, un conseiller présidentiel s’illustrait ainsi par la violence portée sur des manifestants, début d’une dérive progressive vers le gouvernement jupitérien – un synonyme d’autoritarisme ? 2. Une démocratie raffermie  Adepte du pouvoir solitaire et du coup de menton permanent, M. Macron n’a eu de cesse de réduire le Parlement à une chambre d’enregistrement de ses décrets, d’abord par le biais d’un parti présidentiel hégémonique et caporalisé puis, lorsque celui-ci a essuyé une cuisante défaite électorale, à l’usage immodéré du 49.3, disposition anti-démocratique s’il en est. Cette curieuse conception de l’état de droit par M. Macron s’est également manifestée au cours des temps de protestation sociale, lors desquels son gouvernement a systématiquement fait usage d’une force policière brute devenue, à coup d’éborgnement de manifestants et de renoncements successifs de la classe politique, un siège majeur de pouvoir étatique. 3. Un État social préservé  Cet amour du passage en force pour toute politique ne s’est pourtant pas déployé sans direction idéologique. M. Macron a dédié son action au détricotage de l’État social français, fruit du contrat établi entre les forces vives de la nation au sortir de la Seconde guerre mondiale. Réformes, allocations, assurance-chômage, habitat à loyer modéré, hôpital public, école républicaine… Aucune des institutions au cœur de la République n’a été épargnée par la pensée libérale de M. Macron, dont se fait encore attendre le ruissellement promis par une politique au seul profit des plus aisés. 4. Une minorité musulmane reconnue À l’évidence, la colère sociale s’est accrue, approfondie, raidie. L’empêchement du débat démocratique n’a eu de cesse de stimuler les pires affects contemporains. Le racisme, l’antisémitisme ou l’islamophobie ont retrouvé tous leurs quartiers de noblesse, si tant est qu’ils ne les aient jamais perdus. M. Macron a cependant fait le choix conscient de donner à l’islamophobie le caractère d’un paradigme de gouvernement. Stigmatisation accrue des musulmans, concorde médiatique avec les forces les plus réactionnaires de la société française, avant que la politique islamophobe ne se matérialise par une inique loi-séparatisme, dont tant les prémices idéologiques complotistes que les effets dévastateurs laissent à craindre le pire pour les musulmans de France. De dissolution en dissolution, d’expulsion en expulsion, M. Macron et son gouvernement ont fait le choix d’adresser un message sans équivoque à la minorité musulmane française.  5. Un pays ouvert et reconnaissant à l’égard de ceux qui le construisent  Mais les musulmans n’ont pas eu le monopole des attentions du gouvernement, dont les orientations stratégiques semblent dictées depuis CNEWS. La sidérante loi-immigration (dont Marine Le Pen a pu dire qu’elle était une victoire idéologique de son parti fondé sur les restes de la Collaboration) a ainsi représenté une brisure sans équivalent dans l’état de droit en France, en instituant la préférence nationale, la déchéance de nationalité pour les Français binationaux et la précarisation de l’ensemble des étrangers en France. Profondément xénophobe, cette loi, même en partie retoquée par le Conseil constitutionnel, ouvre la porte à toutes les régressions démocratiques et juridiques. 6. Des principes politiques réaffirmés sur le plan international M. Macron s’est fait fort de manifester la plus délicate obséquiosité à l’égard des chefs d’État les plus autoritaires. De Poutine accueilli à Versailles au fils Déby intronisé sous le regard bienveillant de la France, du « cher Bibi » donné à Netanyahu au tapis rouge déroulé au maréchal Sissi, le chef de l’État a ainsi su choisir ses alliés selon un savant mélange de connivence idéologique et de cynisme géopolitique. 7. Valse avec Marine  Que retiendra-t-on à l’avenir des mandats de M. Macron ? Sans doute la course effrénée à l’extrême-droite et à ses thèses les plus dangereuses est-elle la réalité la plus constante de son exercice du pouvoir, érigeant ainsi M. Macron en figure de la révolution conservatrice contemporaine. À l’heure de la progression soutenue des forces réactionnaires au sein de la société française, il est hélas fort à parier que l’on ne se souviendra de M. Macron que comme le président d’avant Marine, celui qui par son national-libéralisme aura ouvert la porte au national-nationalisme.

Communiqué au sujet du lycée public français Maurice Ravel

Le 28 février dernier, un grave incident a eu lieu au lycée Maurice Ravel dans le XXème arrondissement de Paris entre une lycéenne et le proviseur à la sortie de l’établissement, alors que la lycéenne se préparait à revêtir son foulard à la sortie du lycée en enfilant d’abord un sous-bonnet. Interrompue par le proviseur qui lui somme de l’enlever, elle reçoit un coup au bras avant de pouvoir le faire. Elle porte plainte contre le proviseur qui devient alors, selon plusieurs médias français, la cible de menaces de mort sur Internet, qui ont à leur tour conduit à la démission de celui-ci. Les médias s’emparent alors de l’affaire et mettent en scène une prétendue « victoire de l’islamisme », dont le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) aurait ainsi été l’agent en publiant une vidéo où l’élève témoigne de son vécu. Retrouvez l’intégralité de notre communiqué de presse ci-dessous.

Statement Following the House Raids and Custody Measures Targeting the CCIE

Le CCIE a été ciblé hier, mardi 13 mai 2025, par des perquisitions et gardes à vue impliquant notamment ses membres fondateurs. Nous dénonçons avec la plus grande fermeté ces mesures, qui relèvent d’une tentative d’intimidation manifeste. Nous rappelons à toutes fins utiles que le CCIE est une association européenne basée à Bruxelles, et n’est pas l’ex-CCIF.  Le moment choisi pour mener ces perquisitions et gardes à vue n’a rien d’anodin. Ces opérations surviennent alors que la sidération causée par le meurtre d’Aboubakar Cissé est encore vive. Deux jours seulement après les rassemblements organisés contre la haine islamophobe en France, qui ont vu des milliers de personnes exprimer leur inquiétude dans le calme et la dignité, le signal envoyé est glaçant. Alors que l’Europe est confrontée à une montée inquiétante de la violence islamophobe, les autorités françaises choisissent de cibler non pas les discours de haine, mais celles et ceux qui, depuis des années, s’efforcent de documenter cette haine et d’y résister par des moyens pacifiques et démocratiques. Ces perquisitions ne sont justifiées par aucun fait grave et aucune menace imminente, leur fonction est clairement politique. Elles visent à délégitimer un travail de terrain et un engagement auprès des victimes, à installer un climat de peur autour des initiatives qui dénoncent l’islamophobie. Il s’agit de faire pression, de disqualifier, de faire passer le militantisme antiraciste pour une menace. L’outil policier est alors mobilisé pour entraver des formes d’expression pourtant garanties par les principes fondamentaux du droit. Depuis sa création, notre collectif documente les discriminations et violences subies par les musulman·e·s en Europe. Nous accompagnons des victimes, produisons des analyses, alertons les institutions. Ce travail, reconnu et relayé dans de nombreux espaces, dérange parce qu’il met en lumière ce que certains tentent d’invisibiliser : l’ancrage structurel de l’islamophobie dans les politiques publiques et les discours médiatiques dominants et leurs conséquences dramatiques qu’il peut avoir  pour les musulmanes et musulmans d’Europe. Il est urgent de défendre les libertés associatives et la possibilité, pour tous, de prendre part au débat public sans craindre la stigmatisation ou la répression. Ce qui est visé aujourd’hui, c’est la légitimité même d’une parole critique. Nous appelons donc à la solidarité et au refus de toute normalisation de ces pratiques.

Reconnaître l’évidence islamophobe

Plusieurs jours ne suffisent pas à l’admettre : Aboubakar Cissé, 22 ans, a été tué de plusieurs dizaines de coups de couteaux dans sa mosquée alors qu’il avait le front posé au sol. Le tueur a filmé ses derniers instants en insultant sa religion. Pourtant, malgré l’évidence aveuglante, malgré les paroles sans équivoque de l’assaillant, malgré le lieu même du crime, il faudrait encore douter : du mobile, de la haine, douter du fait que cet acte relève bien ce que l’on nomme islamophobie. Un doute qui se base sans honte sur la défense du tueur : son avocat assure ainsi qu’il « a tué la première personne sur son chemin », qu’il n’a « rien dit contre l’islam ». Ce discours a trouvé un écho, comme une vérité plausible, comme si le hasard pouvait expliquer qu’il soit précisément entré dans une mosquée et prétendu vouloir se convertir à l’islam, comme si les insultes proférées contre le « Dieu » de la victime ne signifiait rien et comme si ce n’était pas un musulman en prosternation que le tueur avait ciblé. Ce discours est répété par des figures médiatiques comme Caroline Fourest, décidément résolue à être systématiquement du mauvais côté de l’histoire. On parle alors de « cas individuel » selon les termes de Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, mais pas de terrorisme, d’attentat, d’islamophobie. Alors que nous sommes encore en train d’accuser le choc, certains s’attèlent ainsi tant bien que mal à trouver les mots pour diluer l’évidence, relativiser l’intention, pour pousser à détourner le regard. Les efforts pour décrédibiliser la victime (n’était-il pas « en situation irrégulière », comme l’affirme de façon hallucinante Retailleau pour justifier son inaction) se font sentir, bien que ces efforts ne trouvent aucune prise : Aboubakar Cissé était un jeune homme apprécié de tous, un jeune homme musulman respectueux et sans problème comme il y en a des milliers. Ce seul fait vient troubler l’ordre établi : habituée à projeter le soupçon sur les musulmans, la société peine à appréhender un crime qui ne laisse place à aucune ambiguïté, aucune inversion accusatoire. Tant que les musulmans étaient perçus comme des suspects, tout semblait cohérent. Mais lorsqu’ils apparaissent, de manière aussi incontestable, comme des victimes, la grille de lecture dominante se fissure. Le trouble se fait sentir également lorsque l’hommage et la minute de silence même sont discutés. Le meurtre d’un musulman dans une mosquée ne serait pas un fait suffisamment grave pour mériter le recueillement républicain. Il aura fallu des négociations, des rappels à la cohérence, à la décence, pour qu’enfin, l’Assemblée nationale autorise une minute de silence. Le silence de Bruno Retailleau est un scandale à part entière. Deux jours d’inaction, un tweet laconique, un refus de rejoindre la marche blanche, un repli à la préfecture. Dans ce silence, les musulman.e.s de France ont vu une indifférence glaciale, et dans ce refus de nommer, une complicité passive. Retailleau est l’homme qui crie “à bas le voile” dans des meetings mais qui peine à prononcer le nom de la victime, la qualifiant « d’individu », l’homme qui brandit le spectre des Frères musulmans à chaque déclaration, même lorsqu’il est interrogé au sujet de cet attentat islamophobe, celui qui a décoré des policiers mis en examen pour des violences graves. Ce refus de reconnaître, de nommer, d’admettre, de regarder la réalité sans détour est celui d’un pays où l’islamophobie est niée, et on mesure aujourd’hui la force de ce déni : on refuse le mot « islamophobie » pour éviter d’affronter le phénomène. Perdre du temps à se demander s’il faut ou non parler d’islamophobie, c’est une insulte à la mémoire de la victime, une insulte pour toutes celles et ceux qui ressentent depuis samedi dernier un trouble grandissant, cela témoigne d’une tentative de faire à tout prix écran à la réalité. C’est permettre que la haine soit dissimulée sous d’autres dénominations : la pathologie, le hasard, la « fascination pour la mort »… C’est refuser aux musulmans une parole politique sur ce qu’ils subissent. En d’autres termes, c’est reproduire la logique même qui autorise la haine à prospérer.

Retailleau, la charia et les mirages du national-catholicisme

L’emballement médiatique autour d’une prétendue volonté des Frères musulmans d’instaurer la charia en France révèle moins une réalité factuelle qu’une nouvelle étape dans la recomposition idéologique de l’extrême-centre autoritaire. Cette fois, c’est le ministre de l’Intérieur en personne, Bruno Retailleau, égérie du national-catholicisme, qui en donne le ton.

À bas l’islamophobie

“Des propos inacceptables : Bruno Retailleau attise la haine contre les femmes musulmanes portant le foulard” Lors de la réunion intitulée « Pour la République, la France contre l’islamisme », en présence de près de 2000 personnes et de nombreux membres du gouvernement, dont Manuel Valls (ministre des Outre-mer) et Bruno Retailleau (ministre de l’Intérieur), des propos d’une extrême gravité ont été tenus. Dès sa première intervention, Bruno Retailleau a donné le ton en déclarant :« Ayons le courage de reconnaître qu’en France, il n’y a qu’un seul communautarisme, un seul séparatisme qui menace la République, c’est l’islamisme. » Puis, franchissant un cap alarmant, il a scandé : « À bas le voile. » Cette formule ne relève pas d’une simple critique idéologique : elle constitue une incitation explicite à la haine et à la stigmatisation des femmes musulmanes qui portent le foulard, en les désignant comme une menace à éliminer. En reprenant une rhétorique évoquant les slogans les plus violents de l’Histoire, Bruno Retailleau ne se contente pas d’alimenter une polémique : il attise un climat de rejet et de discrimination. Aux multiples restrictions visant déjà à marginaliser les femmes musulmanes portant le foulard sur le plan social et économique, le ministre de l’Intérieur ajoute désormais une cible symbolique en les désignant publiquement comme objets d’hostilité. Une telle déclaration, provenant d’un représentant de l’État chargé de garantir la sécurité et l’égalité de tous, est inacceptable. Plutôt que de défendre la neutralité de l’État et la protection des libertés individuelles, Bruno Retailleau participe à la désignation d’un “ennemi intérieur”, un procédé historiquement utilisé pour justifier des politiques d’exclusion. Ces déclarations s’inscrivent dans une logique de discrimination systémique qui rappelle les mesures prises au XXe siècle contre les Juifs en France, où l’État organisait progressivement leur exclusion sociale et politique. Aujourd’hui, les femmes musulmanes portant le foulard sont les premières victimes de cette dérive : elles subissent depuis plus de 40 ans une propagande hostile et des politiques liberticides réduisant leur place dans l’espace public. Lorsque de tels propos sont tenus par un ministre de l’Intérieur, ils dépassent le cadre de l’opinion individuelle : ils engagent l’État et légitiment un discours de haine, en contradiction totale avec les principes de laïcité, de neutralité et d’égalité garantis par la Constitution française. Face à la gravité de ces déclarations, nous annonçons que nous avons décidé de saisir la commission des requêtes de la Cour de justice de la République afin que des poursuites soient engagées contre Bruno Retailleau pour incitation à la haine et manquement à ses devoirs de neutralité en tant que membre du gouvernement. Nous saisissons également l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) concernant la diffusion en direct de ces propos sur une chaîne d’information en continu. Il est impératif que les médias assument leur responsabilité en ne servant pas de relais à des discours qui mettent en danger une partie de la population. Nous considérons que Bruno Retailleau n’est plus digne d’exercer ses fonctions de ministre de l’Intérieur. Par ses propos irresponsables, il a manqué à son devoir de neutralité et mis en danger des milliers de citoyennes déjà exposées aux discriminations et aux violences. Nous exigeons sa destitution immédiate et appelons à une mobilisation collective pour défendre les libertés fondamentales et le principe d’égalité. Il est temps de dire STOP à la haine d’État.

« Ils vont nous prendre les enfants ! »: Témoignage poignant de Sara et de sa famille

Découvrez l’histoire poignante de Sara, jeune fille harcelée par la direction de son collège pour des raisons racistes et islamophobes, ainsi que les conséquences dévastatrices que cela a eu sur toute sa famille. Chaque année, à la même période, nous faisons le bilan de l’état de l’islamophobie en Europe : la situation ne cesse de se dégrader : les attaques contre les musulman(e)s, leurs lieux de culte et leurs droits fondamentaux se multiplient. Faites un don pour nous donner les outils nécessaires à la lutte contre l’islamophobie. #SolidairesEnsemble #CCIE #CCIETémoignage

The Collectif Contre l'Islamophobie en Europe is a non-profit association based in Belgium.

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