Le 2 mars dernier, plus d’une trentaine d’universitaires et chercheurs du monde entier ont lancé un appel dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron intitulée “Stop à l’institutionnalisation de l’islamophobie” Dressant un constat accablant du quinquennat Macron en matière du respect des libertés individuelles et collectives, de respect de la laïcité, et de lutte contre les discriminations. Cette lettre met en lumière l’aggravation de l’islamophobie institutionnalisée, et la posture inquisitrice du gouvernement vis -à -vis des organisations de défense des droits humains critiques de son action. La lettre en entier : » Monsieur le Président, Nous, universitaires du monde entier spécialisés en études islamiques, études françaises et francophones, études religieuses, histoire, sociologie, anthropologie, sciences politiques et plus encore, tenons à exprimer notre profond choc face à l’aggravation de l’islamophobie institutionnalisée qui a caractérisé votre mandat. En 2017, vous avez été élu sur la promesse d’une société inclusive et ouverte loin du déclinisme et de la bigoterie antimusulmane de Marine Le Pen. Malheureusement, dès votre prise de fonction, nous avons constaté le contraire exact de vos promesses. Sous votre présidence, la France s’est transformée en une société de plus en plus islamophobe et dangereusement répressive. Soyons direct : vous vous êtes révélé beaucoup plus dangereux pour les libertés françaises que ces « islamistes », « séparatistes », et « djihadistes » potentiels que votre gouvernement paranoïaque voit derrière chaque hijab ou « barbe salafiste ». En effet, contrairement à eux, c’est vous qui contrôlez réellement l’État français et possédez donc les outils pour annuler les libertés à volonté, ce dont depuis des années vous ne vous êtes pas privé. Pensons par exemple à votre loi contre le « séparatisme islamiste » (loi autoritaire qui prétend faussement «renforcer le respect des principes républicains » alors qu’elle les met en danger) ou à cette inique « Charte islamique des principes », dont tout le monde sait qu’elle a été imposée par vous et votre gouvernement aux représentants des organisations françaises musulmanes via la coercition et à coups de menaces explicites totalement inacceptables pour qui respecte la liberté religieuse et la laïcité française. Le traitement exclusiviste et discriminatoire des musulmans, ce deux poids deux mesures sans fin vis-à-vis de l’islam par rapport aux autres religions, si évident dans toutes ces entreprises, constitue bel et bien une violation grave et chez vous quasi permanente de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’État, qui entre autres choses exige de vous un traitement strictement égalitaire de toutes les religions reconnues en France. Mais dans votre nouveau rôle de Grand Mufti autoproclamé de l’Islam de France, vous vous autorisez maintenant à dicter la doctrine islamique elle-même, rien de moins, tout en traitant les musulmans et leur foi de manière discriminatoire, comme la seule religion qui devrait être disciplinée, moulée, façonnée ainsi par un État coercitif et répressif dès qu’il s’agit d’islam. Ces efforts sont motivés par la perception, hélas très forte en France, de l’islam comme une menace pour la sécurité nationale. Ainsi, lors de son témoignage du 8 octobre 2019 devant l’Assemblée nationale, votre ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, fut invité à préciser ce qu’il entendait par « signes de radicalisation religieuse ». Tout béatement, il énuméra ceci : une « pratique religieuse rigoriste » (allant même jusqu’à préciser «surtout pendant le ramadan »!); le port de la barbe; une « pratique régulière et ostentatoire de la prière rituelle »; la « marque de friction de la tabaa » sur le front d’un musulman. Or, aucune de ces pratiques, même prises ensemble, ne peut être qualifiée d’extrémisme religieux et encore moins de « signes précurseurs de la radicalisation djihadiste ». Elles et d’autres sont néanmoins répertoriées ainsi sur diverses pages web du gouvernement français dans un affichage honteux de sectarisme et d’ignorance envers les musulmans, l’islam, et la religion en général. Nous vous invitons donc à cesser de confondre pratique conservatrice voire rigoriste et orthopraxie religieuse avec des « signes avant-coureurs de djihadisme ». Certaines « éminences grises » universitaires adeptes de pseudo concepts fumeux mais que vous utilisez néanmoins comme « conseillers du prince » sont elles aussi responsables de nourrir de telles croyances fallacieuses, bigotes, ignorantes et islamophobes dans les milieux gouvernementaux et médiatiques. Si nous pensions que vous étiez vraiment intéressés à connaître les pratiques religieuses de millions de vos concitoyens et le meilleur des études islamiques dont celles portant sur l’islamisme, nous serions heureux de vous proposer des dizaines de noms d’érudits, scientifiques et experts universitaires infiniment plus crédibles et sérieux que ces deux ou trois intellectuels frauduleux et guignols médiatiques qui défilent dans les palais de la République et squattent les grands média malgré leur manque de crédibilité universitaire et scientifique de plus en plus criante, et ce parmi leurs propres pairs. Plus largement, votre gouvernement a démontré sans relâche une approche antiscientifique de la critique, notamment en ce qui concerne l’étude de l’impact du racisme structurel. Le Ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer et la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Frédérique Vidal ont répété des discours conspirationnistes et réactionnaires ciblant les universitaires, les organisateurs étudiants ainsi que les militants antiracistes et féministes. Ils ont créé une peur verte et rouge dans le secteur de l’éducation, avatar français du McCarthyism dépeignant une soi-disant menace existentielle de l’« islamo-gauchisme » et du « wokisme », nouvelles obsessions pathologiques des élites françaises. Dépourvues de toute base analytique et factuelle et de toute connaissance réelle des champs universitaires dont ils parlent sans en connaître ne serait-ce que les textes fondateurs ou les penseurs majeurs, ces figures éminentes de votre administration ont vilipendé toutes les critiques venant de la gauche, contribuant ainsi à la toxicité accrue de la sphère publique française. Et pendant ce temps, les musulmans qui tentent de lutter contre des discriminations injustes, elles bien réelles, sont immédiatement accusés de « radicalisation» et d’«extrémisme ». Sous vos ordres directs, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a ainsi enclenché une attaque de grande envergure contre