Mosquées : le laissez-passer de Darmanin ?

Gérald Darmanin semble choisir de réagir aux actes haineux islamophobes visant les mosquées en fonction de l’adhésion de ces dernières à la Charte des principes de l’Islam de France. Explications.

La dernière réaction de Gérald Darmanin suite à la profanation de la mosquée de La Mûre a fait couler beaucoup d’encre. Beaucoup ont relevé l’hypocrisie d’une condamnation de façade face à une politique de diabolisation des mosquées de France. C’est encore pire que cela. Si on pouvait malheureusement s’en douter, c’est désormais démontrable : Gérald Darmanin, ministre chargé de la protection des cultes, semble choisir de condamner (ou non) une profanation à l’encontre d’une mosquée selon que celle-ci a signé (ou pas) la charte des principes de l’Islam de France. C’est un nouveau palier inédit qui est franchi dans la banalisation de l’expression de haine à l’égard des musulmans. 

Pas de charte, pas de condamnation ?

Les chiffres sont implacables. En 2021, 30 mosquées et institutions musulmanes ont été visées par des actes haineux. 18 sont survenus au cours des quatre derniers mois. 27 ont ciblé directement des mosquées. Un tag haineux a ciblé l’ONG musulmane “Human Appeal”, un centre-ville historique a été couvert de tags “Islam Dehors”, et enfin, une lettre de menace de mort a été envoyée au Président de la confédération Milli Görus, Fatih Sarikir.

Sur ces 30 manifestations de haine à l’égard des musulmans, Gérald Darmanin n’a eu de mots de condamnation sous forme de tweets qu’à 8 reprises. Jamais une seule mosquée turque dépendante des confédérations CIMG (Milli Gorus) ou DITIB n’ont eu de mots de sa part, quelle que soit, par ailleurs, l’ignominie des messages haineux adressés aux mosquées. Ou plutôt si. La seule fois étant la salle de prière de La Mure, gérée par une association turque, et visée par un acte haineux le 28 décembre dernier, soit quelques jours après que le CIMG, et les deux autres fédérations restantes (Foi et Pratique et DITIB) aient finalement signé la charte des principes de l’Islam de France.

Pour rappel, la charte des principes de l’Islam de France est un texte largement controversé, en ce qu’il impose un cadre dépassant les règles de neutralité de l’état en matière de laïcité par rapport au culte musulman. Elle contient également une mention intimant les responsables du lieu de culte de ne pas faire mention d’une “islamophobie d’État” lors des prêches. Le texte, tant par la démarche que par son contenu, avait suscité de vives critiques du monde associatif musulman.

À la question : « Est-ce que les actes de la politique du Ministère de l’Intérieur conduisent à banaliser les actes haineux à l’égard des mosquées ?”, la réponse devient alors évidente. Et cela fait froid dans le dos, particulièrement dans un contexte où nous notons des actions coordonnées contre des mosquées.

Des attaques coordonnées et…banalisées

Dans la nuit du 7 novembre au 8 novembre 2021, quatre mosquées du département du Doubs (25) en Bourgogne-Franche-Comté sont marquées à la peinture rouge d’une croix de Lorraine. Deux semaines plus tard, dans la nuit du 20 novembre au 21 novembre 2021, deux mosquées ont subi le même sort. Au total, 6 mosquées ont été visées dans le Doubs, avec le même mode opératoire, mais aucune mesure officielle de protection renforcée de ces mosquées n’a été annoncée par le préfet Jean-François Colombet. 

Détail supplémentaire : alors que la première attaque visant quatre mosquées, appartenant toutes à la fédération turque Ditib, n’avait suscité aucune réaction ni de la part du Préfet, ni du Ministre de l’Intérieur, la seconde attaque visant deux mosquées a été unanimement condamnée par les autorités publiques. À noter que ces deux dernières mosquées n’appartiennent pas aux confédérations turques. 

Par ailleurs, nous constatons une forme de revendication politique assumée dans les attaques visant les mosquées, reflétant les discours politiques. Par exemple, la Croix de Lorraine était un symbole de résistance face à l’Allemagne nazie. Ici, elle est utilisée pour viser les membres des communautés musulmanes en écho aux discours ambiants comparant des militants antiracistes perçus comme musulmans à des “nazislamistes”. Nous nous rappelons également des discours comparant le voile à un brassard nazi.

Le 10 avril 2021, c’était le Centre Avicennes à Rennes qui était visé par plusieurs tags islamophobes haineux. Parmi ces messages, nous pouvions y lire “EELV = traîtres” quelques semaines après la polémique nationale qui avait visé la municipalité écologique de Strasbourg suite à son aval au projet de construction de la mosquée Eyyup Sultan. 

Les discours des personalités politiques favorisent les passages aux actes haineux et nourrissant un cercle sans fin de surenchère islamophobe. L’exemple le plus éclatant du sentiment d’impunité qui anime les auteurs des tags haineux est ce message s’adressant au gouvernement, laissé sur le mur de la mosquée de Martigues en juillet dernier, au milieu d’inscriptions obscènes “Arab dehors, “porc”, “N*k musulmans” : “À l’aide gouvernement: le sentiment d’insécurité est une réalité”.

Les agissements du Premier flic de France, conditionnant son indignation à des actes intentant aux biens et à l’intégrité de fidèles musulmans à la signature d’une charte, viennent renforcer une logique où il y aurait des “bons musulmans”, qui mériteraient notre solidarité, tandis que les autres mériteraient leur sort. 

Cela paraît d’autant plus alarmant que la “carte des mosquées non signataires de la charte”, publiée par le fasciste et fondateur de Fdesouche Damien Rieu le 10 mars 2021, est toujours en ligne, accessible par tous sur Twitter. Si Cédric O, Secrétaire d’État à la transition numérique a su en début de semaine trouver des ressources pour contacter directement Instagram afin de faciliter la certification du compte de l’influenceuse controversée Mila, il semblerait que personne au gouvernement n’ait eu le temps de contacter Twitter France pour leur suggérer de supprimer ce tweet, alors qu’au moins un tiers des mosquées visées en 2021 se retrouvent sur cette carte.

Un questionnement s’impose alors : qui est-ce qui s’enfonce de plus en plus dans le séparatisme, en excluant du contrat républicain une partie de sa population ?

Le Collectif Contre l’Islamophobie en Europe est une association sans but lucratif basée en Belgique.

Contact

Boulevard de l'Empereur 10, 1000 BRUXELLES

Soutenir

Afin de garantir une action pérenne, il est important de s’engager sur la durée et d’ajouter votre voix à celles et ceux qui adhèrent au CCIE !

© Copyright 2024 CCIE