L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) vient de publier un rapport alarmant sur la situation des musulman(e)s en Europe. Les conclusions de cette enquête, menée auprès d’environ 10 000 musulman(e)s à travers treize pays de l’UE, montrent que l’islamophobie est une réalité quotidienne et en constante augmentation pour des millions de citoyen(ne)s européen(ne)s.
Is there a link between the closure of social media accounts and the CRIF (The Representative Council of Jewish Institutions in France)? This question legitimately arises when analysing the PBB.News Instagram account that has almost 2 million subscribers. After it published some articles reporting on the situation in Palestine, the account received numerous reports and was deactivated on March 28. In its 8 years of activity, this is the fourth time that the editorial staff has had its Instagram accounts closed, hence losing each time several hundred thousand subscribers. Why is there a censorship – as in the case of PBB.News – of articles denouncing the ongoing genocide in G@za? Is it perhaps because on May 13 several CRIF members met Laurent Solly, Southern Europe’s vice-president at Meta, to discuss “Meta’s commitments in the fight against anti-Semitism and online hatred”, as mentioned in a tweet on the CRIF’s X-account? We may therefore legitimately question the CRIF’s role in Meta’s censorship of articles that denounce the genocidal policy of the State of Israel, as in the case of PBB.News. Since the beginning of the deadly attacks in G@za last October, the Meta group (which owns Facebook, Instagram, Threads and WhatsApp) has continually censored content in support of the Palestinian cause. It has reduced visibility, blocked functionalities, and deactivated network’s accounts in a direct and unappealable manner. The CCIE supports all information groups seeking to expose cases of discrimination on social media due to censorship.
Existe-t-il un lien entre les fermetures de comptes sur les réseaux sociaux et le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) ? C’est la question qui se pose légitimement quand on s’intéresse à PBB.News, un compte Instagram réunissant presque 2 millions d’abonnés, qui a été désactivé le 28 mars après de nombreux signalements suite aux articles rendant compte de la situation en Palestine. En 8 ans de travail, c’est la 4e fois que la rédaction se voit fermer ses comptes Instagram, perdant à chaque fois plusieurs centaines de milliers d’abonnés. Pourquoi cette censure des publications dénonçant le génocide en cours à G@za, comme c’est le cas de PBB.News ? Peut-être parce que le 13 mai dernier, le CRIF a rencontré Laurent Solly, vice-président Europe du Sud de Meta, et dont les échanges ont porté sur « les engagements de Meta dans la lutte contre l’antisémitisme et les haines sur Internet », d’après un tweet du CRIF sur X. On peut donc légitimement se demander quel rôle le CRIF joue dans la censure opérée sur Meta quant aux publications qui dénoncent la politique g€nocidaire de l’Etat d’Israël, comme PBB.News en a fait l’expérience. Depuis le début des offensives meurtrières à G@za en octobre dernier, le groupe Meta (qui possède Facebook, Instagram, Threads et WhatsApp) n’a cessé de censurer les soutiens à la cause p@lestinienne publiés sur ses réseaux. Visibilité réduite, fonctionnalités bloquées, et allant jusqu’à la désactivation simple et incontestable du compte sur le réseau. Le CCIE apporte son soutien à tous les groupes d’information qui cherchent à exposer des situations de discriminations sur les réseaux sociaux et qui sont censurés pour cela.
Le répit aura été de courte durée. La mosquée de Pessac, en région bordelaise, est une nouvelle fois la cible de la préfecture de Gironde, cette fois-ci à travers la personne d’Abdouramane Ridouane, le président de l’association de la mosquée visé par une procédure d’expulsion. En 2022, la mosquée de Pessac a été temporairement fermée par la préfecture, car elle promouvrait « un islam radical » et véhiculerait « une idéologie salafiste » (citation arrêté de fermeture). La critique de la politique israélienne a également été invoquée dans l’arrêté de fermeture. Cet arrêté a été annulé par le Tribunal administratif de Bordeaux, décision par la suite confirmée par le Conseil d’Etat. Pourtant, ce sont les mêmes arguments qui sont aujourd’hui invoqués dans la demande de la Préfecture pour l’expulsion de M. Ridouane vers son pays d’origine, le Niger. La commission chargée d’examiner cette demande de la Préfecture se réunira vendredi 31 mai à 14h, au Tribunal judiciaire de Bordeaux. Suite à cet acharnement sur la mosquée de Pessac, l’édifice religieux a été dégradé par sept fois ces deux dernières années, avec des injures islamophobes et racistes. La dernière en date, le 25 mai dernier, par le groupe raciste « Action directe identitaire », qui a inscrit « Imams étrangers hors de France » sur l’un des murs. Une pétition de soutien à M. Ridouane a été lancée par le Comité Action Palestine. © Crédit photo : Photo CH. L, Sudouest, Abdourahmane Ridouane dans la salle de prière de la mosquée de Pessac. Voir aussi : Le Tribunal administratif de Bordeaux annule la décision de fermeture de la mosquée de Pessac (Gironde)
Le 2 avril, une jeune fille de 14 ans, Samara, a été brutalement agressée près de son école à la suite d’un harcèlement sur les réseaux sociaux et dans l’enceinte de son collège. Samara a été rouée de coups, jusqu’au coma, par des camarades de son âge. Deux jours plus tard seulement, Shemseddine, 15 ans, est tabassé à mort par une bande de jeunes à la sortie de son collège en Essonne. À l’origine de cette violence, des messages échangés entre lui et une jeune fille « sur des sujets relatifs à la sexualité ». Ces deux événements de rare gravité, survenus coup sur coup, mettent en lumière une violence alarmante entre jeunes. Ils ont légitimement suscité une vive émotion dans l’opinion publique. De fait, la recrudescence de la violence scolaire et juvénile est un fait social d’importance, dont il convient de prendre la mesure. Elle indique une brutalisation accrue de la société française, dont les symptômes excèdent la jeunesse. La réponse gouvernementale, motivée par la stigmatisation des classes sociales populaires et des musulman.e.s, participe d’un même climat social particulièrement détérioré. Cette annonce survient à la fin d’un mois d’avril marqué par des faits de violence commis entre personnes de très jeune âge. Le Premier ministre Gabriel Attal s’est empressé d’appeler à un « vrai sursaut d’autorité » face à « l’addiction d’une partie de nos adolescents à la violence » et à une « minorité qui tente de faire régner sa loi et de déstabiliser la République ». Le mardi 30 avril, il annonce la publication d’une circulaire pénale « pour que le motif du non-respect d’un précepte religieux lors d’une agression constitue une circonstance aggravante ». Qu’importe que ces déclarations soient aussi illusoires que contre-productives ; qu’aucune source ne valide l’hypothèse d’une pression religieuse s’agissant de Samara ; ou que Shemseddine ait lui aussi été musulman. La réponse gouvernementale de fait vise moins à traiter le phénomène de la violence juvénile – ce qui nécessiterait d’interroger les effets de la précarisation des classes populaires et de l’institution scolaire – qu’à rejouer l’éternelle dénonciation du séparatisme islamiste, origine implacable de toutes les actualités d’un débat public chauffé à blanc contre la communauté musulmane de France. Peut-on alors s’étonner que l’une des principales réponses au phénomène de la violence juvénile consiste en une énième séquence de dénonciation des Musulmans ? Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a ainsi annoncé le principe d’une circulaire pénale explicitement dirigée contre ceux-ci – et leurs pratiques supposées – au détour d’une interview : « On agresse quelqu’un parce qu’il est juif, cette discrimination est une circonstance aggravante mais on agresse quelqu’un parce qu’il n’a pas fait le ramadan par exemple, ça peut être retenu (comme circonstance aggravante) mais ça ne l’est pas toujours. C’est ce que je vais rappeler aux procureurs dans cette circulaire ». Il s’agit selon le ministre de la Justice « d’attaquer le mal à la racine », c’est-à-dire de « poursuivre notre lutte sans merci contre le séparatisme, et notamment le séparatisme islamiste. De plus en plus, les violences des jeunes se déroulent sur fond de contestation des valeurs républicaines, de contestation de la laïcité et des violences se déroulent sur ce terreau-là.» Et d’ajouter : « Pas question qu’une jeune fille ne soit pas libre de s’y promener sans voile si elle le souhaite. Pas question qu’un jeune garçon ne puisse pas manger ce qu’il souhaite, quand il le souhaite. Partout en France, la seule loi qui s’applique, c’est celle de la République ». Peut-être faudrait-il rappeler que la religion est déjà une circonstance aggravante pour les élèves perçu·e·s comme musulman·e·s, ciblé·e·s tour à tour pour leurs choix vestimentaires, pour les signes de leurs pratiques religieuses, pour leur prétendu manque d’attachement aux valeurs républicaines ou encore pour des signes de soutien à la Palestine. Les élèves musulman·e·s ont ainsi déjà fait les frais d’une longue période de lutte contre la radicalisation et contre le séparatisme qui a fait naître une société de vigilance basée sur l’encouragement à signaler tout comportement anormal, suspect, et en incitant à voir tout signe de pratique religieuse liée à l’islam comme un signe de potentiel radicalisation. À la faveur de cette peur des musulmans, des jeunes enfants, dont un âgé de seulement 8 ans, ont été convoqués par la police parce qu’ils ont été jugés dangereux par ceux et celles qui en avaient la responsabilité au sein de l’institution scolaire. L’école est un lieu où les élèves répercutent de toute part la violence sociale et en conçoivent leurs propres excès pathologiques. Il ne s’agit-il pas de minimiser la dangerosité des violences produites par la misogynie, le virilisme et la somme des conservatismes, ou de faire des évènements récemment survenus de simples faits divers. Il s’agit néanmoins de freiner la construction d’un environnement scolaire qui devient de plus en plus irrespirable pour les enfants musulmans. Ce n’est pas en s’attaquant à la dernière instance de la violence sociale généralisée qu’on propose une voie de sortie de celle-ci. Le temps presse, l’incapacité du gouvernement à répondre autrement que de façon raciste et islamophobe est inquiétante. Aujourd’hui comme hier, la seule possibilité de sortie par le haut de la violence généralisée est celle de la construction d’un autre rapport entre l’État et ses musulmans, fondé, enfin, sur l’alliance et le dialogue.
Le chef de l’État français a été élu il y a sept ans. Passage en revue de quelques-uns de ses principaux accomplissements. 1. Une République exemplaire M. Macron a nommé une succession de gouvernements dont un grand nombre de ministres a été accusé de prise illégale d’intérêt, de corruption, d’harcèlement moral ou de viol. Dès les premières semaines de son mandat, un conseiller présidentiel s’illustrait ainsi par la violence portée sur des manifestants, début d’une dérive progressive vers le gouvernement jupitérien – un synonyme d’autoritarisme ? 2. Une démocratie raffermie Adepte du pouvoir solitaire et du coup de menton permanent, M. Macron n’a eu de cesse de réduire le Parlement à une chambre d’enregistrement de ses décrets, d’abord par le biais d’un parti présidentiel hégémonique et caporalisé puis, lorsque celui-ci a essuyé une cuisante défaite électorale, à l’usage immodéré du 49.3, disposition anti-démocratique s’il en est. Cette curieuse conception de l’état de droit par M. Macron s’est également manifestée au cours des temps de protestation sociale, lors desquels son gouvernement a systématiquement fait usage d’une force policière brute devenue, à coup d’éborgnement de manifestants et de renoncements successifs de la classe politique, un siège majeur de pouvoir étatique. 3. Un État social préservé Cet amour du passage en force pour toute politique ne s’est pourtant pas déployé sans direction idéologique. M. Macron a dédié son action au détricotage de l’État social français, fruit du contrat établi entre les forces vives de la nation au sortir de la Seconde guerre mondiale. Réformes, allocations, assurance-chômage, habitat à loyer modéré, hôpital public, école républicaine… Aucune des institutions au cœur de la République n’a été épargnée par la pensée libérale de M. Macron, dont se fait encore attendre le ruissellement promis par une politique au seul profit des plus aisés. 4. Une minorité musulmane reconnue À l’évidence, la colère sociale s’est accrue, approfondie, raidie. L’empêchement du débat démocratique n’a eu de cesse de stimuler les pires affects contemporains. Le racisme, l’antisémitisme ou l’islamophobie ont retrouvé tous leurs quartiers de noblesse, si tant est qu’ils ne les aient jamais perdus. M. Macron a cependant fait le choix conscient de donner à l’islamophobie le caractère d’un paradigme de gouvernement. Stigmatisation accrue des musulmans, concorde médiatique avec les forces les plus réactionnaires de la société française, avant que la politique islamophobe ne se matérialise par une inique loi-séparatisme, dont tant les prémices idéologiques complotistes que les effets dévastateurs laissent à craindre le pire pour les musulmans de France. De dissolution en dissolution, d’expulsion en expulsion, M. Macron et son gouvernement ont fait le choix d’adresser un message sans équivoque à la minorité musulmane française. 5. Un pays ouvert et reconnaissant à l’égard de ceux qui le construisent Mais les musulmans n’ont pas eu le monopole des attentions du gouvernement, dont les orientations stratégiques semblent dictées depuis CNEWS. La sidérante loi-immigration (dont Marine Le Pen a pu dire qu’elle était une victoire idéologique de son parti fondé sur les restes de la Collaboration) a ainsi représenté une brisure sans équivalent dans l’état de droit en France, en instituant la préférence nationale, la déchéance de nationalité pour les Français binationaux et la précarisation de l’ensemble des étrangers en France. Profondément xénophobe, cette loi, même en partie retoquée par le Conseil constitutionnel, ouvre la porte à toutes les régressions démocratiques et juridiques. 6. Des principes politiques réaffirmés sur le plan international M. Macron s’est fait fort de manifester la plus délicate obséquiosité à l’égard des chefs d’État les plus autoritaires. De Poutine accueilli à Versailles au fils Déby intronisé sous le regard bienveillant de la France, du « cher Bibi » donné à Netanyahu au tapis rouge déroulé au maréchal Sissi, le chef de l’État a ainsi su choisir ses alliés selon un savant mélange de connivence idéologique et de cynisme géopolitique. 7. Valse avec Marine Que retiendra-t-on à l’avenir des mandats de M. Macron ? Sans doute la course effrénée à l’extrême-droite et à ses thèses les plus dangereuses est-elle la réalité la plus constante de son exercice du pouvoir, érigeant ainsi M. Macron en figure de la révolution conservatrice contemporaine. À l’heure de la progression soutenue des forces réactionnaires au sein de la société française, il est hélas fort à parier que l’on ne se souviendra de M. Macron que comme le président d’avant Marine, celui qui par son national-libéralisme aura ouvert la porte au national-nationalisme.
Le 8 décembre, l’IFOP a fait paraître les résultats d’une enquête réalisée auprès des musulmans quant à la laïcité et la place des religions à l’école et dans la société. La nature même de l’enquête étonne : puisqu’il n’existe que des citoyens et que la France ne reconnaît pas les communautés, pourquoi singulariser les musulmans pour cette enquête ? Cette démarche nourrit l’idée de l’étrangeté des musulmans, considérés comme posant problème a priori. Les revendications quant à la présence de crèches de Noël dans les espaces officiels ou quant à la célébration de Hanoucca à l’Élysée même, ne suffisent pas à pousser à envisager les atteintes à la laïcité ailleurs qu’au sein des communautés musulmanes – alors que ces dernières ne demandent qu’une application juste et égalitaire du principe de laïcité. D’après l’enquête, réalisée par sondage, l’écart se creuse entre les plus jeunes générations et le principe de laïcité. Comme souvent lorsque ce principe parait au débat public, les commentateurs et éditorialistes de tout bord y ont vu la preuve du complot musulman (frériste, islamiste, séparatiste, selon les terminologies changeantes auxquelles nous a habitués le débat public français), voire du grand remplacement lui-même, coupable de subvertir depuis l’intérieur les valeurs les plus consacrées de la société française. Il semble en effet que le sondage soit accablant : près de 78% des Français musulmans « jugent l’application de la laïcité discriminatoire ». Ce constat ne leur est pas réservé : 60% des 18-30 ans, toutes confessions (ou absence de) confondues, considèrent que « la défense de la laïcité est instrumentalisée par des personnalités politiques et des journalistes qui veulent en fait dénigrer les musulmans ». Les biais méthodologiques que comporte tout sondage sont connus, qu’il s’agisse de l’imposition de problématiques ou de leur formulation même, lesquelles n’ont de cesse de valider les politiques publiques en vertu desquelles le sondage a été le plus souvent commandé. Il n’en demeure pas moins que ces marqueurs, même s’ils doivent être relativisés, sont éloquents. Encore une fois, ces jeunes musulmans ont-ils réellement un problème avec le principe de la laïcité comme beaucoup le prétendent, ou bien formulent-ils une opinion tout à fait sensée, légitime et adaptée à la réalité de l’application de la laïcité en France aujourd’hui ? Autrement dit, ces sondés ne considèrent-ils tout simplement pas, comme la sociologue Véronique Altglass, que « laïcité is, what laïcité does », c’est-à-dire que la laïcité est ce qu’elle fait : elle n’est pas une force motrice qui prédéterminerait magiquement une réponse unilatérale aux cultes, mais bien un enjeu de lutte aujourd’hui utilisé dans une perspective parfois explicitement islamophobe. Cette analyse quant à la réalité profondément discriminatoire de la laïcité telle qu’elle est mise en pratique aujourd’hui est en effet soutenue par une abondante littérature en sociologie. Cette désaffection générationnelle et communautaire à l’égard du principe de laïcité est ainsi la résultante directe de son instrumentalisation et de son travestissement, dont tous les observateurs avertis avaient prévenu du danger en amont. En faisant de la laïcité un outil de lutte contre une minorité stigmatisée ( « la laïcité offensive ») le nationalisme français a ainsi travesti l’œuvre morale et politique accomplie par la loi de 1905. Les dégâts que nous observons aujourd’hui leur sont entièrement imputables, et il nous reste à contempler le cynisme de ceux qui prétendent sauver la République et ses lois en les détournant de leur œuvre de bien commun. Loin de délaisser la (véritable) laïcité ou de s’y opposer, les musulmans de France et d’Europe cherchent à la faire respecter et à faire respecter leurs droits constitutionnels. Le Collectif contre l’islamophobie en Europe peut fièrement dire qu’il se compte parmi les derniers tenants de l’esprit de la loi de 1905. Cela l’autorise ainsi à appeler ceux et celles qui voient encore la laïcité comme une liberté, autant que l’égalité de toutes et tous face à l’État, à s’opposer à la politique anti-musulmane dont la France a fait sa marque de fabrique.
L’histoire récente de la relation de la société française à ses musulmans paraît surdéterminée d’un côté par la survenue meurtrière et répétée de la violence terroriste et de l’autre par les formes de répression de plus en plus englobantes que met en œuvre l’État français. Celui-ci, pour paraphraser le philosophe Alain Badiou, semble agir comme le boxeur ayant subi un choc de rare brutalité et répondant par une succession de coups aussi désordonnés que contre-productifs. À la suite de la guerre d’indépendance algérienne, la communauté issue de l’immigration postcoloniale et ouvrière a fait l’objet de nombreuses exactions, lesquelles vont du massacre policier du 17 octobre à celui du métro Charonne, de l’attentat du Strasbourg-Paris à la longue succession d’assassinats racistes des années 1960, 1970 et 1980. Ces diverses manifestations de la violence de l’extrême-droite décomplexée – selon un terme qui revient au goût du jour – figurent ainsi la sauvagerie d’extrême-droite, en particulier à l’endroit des communautés maghrébines. Un nom en particulier incarne néanmoins dans la mémoire collective le traitement réservé par certains pans de la société française à sa minorité musulmane : la ratonnade. Le plus souvent, les ratonnades sont demeurées impunies ; plus encore, ceux qui en étaient les instigateurs et les maîtres d’œuvre bénéficiaient de complicités au sein de l’appareil d’État, ce qui institue ainsi la violence commise en mode de gouvernement à part entière à l’égard des communautés issues de l’immigration postcoloniale. Cantonnée lors des années 1990 aux fascistes et néonazis du Groupe Union Défense (GUD) et assimilés, la ratonnade semblait avoir bon an mal an perdu sa centralité dans le champ politique français et au sein de l’horizon collectif des communautés musulmanes. Il semble pourtant que la ratonnade ait retrouvé ses quartiers de noblesse. À l’occasion du match France-Maroc, pendant la coupe du monde de football de décembre 2022, déjà, une série de descentes coordonnées de l’extrême-droite avait visé les quartiers d’immigration de plusieurs villes françaises. Depuis lors, les ratonnades se multiplient. Il y a quelques semaines, une conférence en soutien à la Palestine à Lyon – tête de pont de l’extrême-droite française – a été visée par les nervis fanatisés de la barbarie fasciste. Il y a quelques jours, un jardinier d’origine maghrébine a été victime d’une tentative d’égorgement raciste dans le Val-de-Marne. Enfin, une coterie de jeunes suprémacistes blancs a voulu exciter les failles collectives de la société française en conduisant une émeute à Romans-sur-Isère, comme geste de représailles au meurtre tragique du jeune Thomas. Lundi soir, une centaine de militants d’extrême-droite ont défilé dans le Vieux Lyon, criant le slogan devenu tristement familier “Islam hors d’Europe”. Comme lors des précédents historiques,, la violence de ses expéditions racistes et de ces ratonnades est redoublée par l’impunité de leurs auteurs. Au mieux, ceux-ci ne sont condamnés qu’à des peines légères. Au pire, la qualification raciste du crime est déniée, comme s’agissant du jardinier du Val-de-Marne. Comment s’étonner d’un tel déni de justice par un État qui a fait du terme islamophobie un chef d’accusation à l’égard de ceux et celles qui sont victimes de la violence raciste ? La fascisation d’esprit admet des conditions de possibilité sociologiques et historiques, lesquelles requiert malheureusement plus que du volontarisme bien intentionné pour être mis en échec. La catastrophe en cours a pour fond la désaffiliation généralisée, l’anomie sociale et la désorganisation des structures collectives. Les ratonnades sont ainsi le plus souvent conduites par de très jeunes individus radicalisés, ce qui finit de convaincre que le problème que manifeste la violence raciste est aussi dangereux que profond. Pour autant, alarmé par la pente historique que suivent la société française et ses institutions, le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) en appelle au sursaut des forces réellement progressistes, celles qui n’ont pas encore cédé à l’air du temps. Le pire doit être mis en échec ; il en va non seulement du bien-être des minorités voire de leur existence même, mais également du destin des sociétés européennes dans leur ensemble.
C’est avec grande inquiétude que le Collectif contre l’islamophobie en Europe a pris connaissance de la victoire du Parti pour la liberté, emmené par son chef Geert Wilders, aux élections législatives néerlandaises tenues le 22 novembre 2023. Cette victoire, quoique inattendue par les sondeurs, était prévisible. Partout en Europe, l’extrême-droite la plus raciste et la plus virulente a le vent en poupe. En Italie, le parti héritier du fascisme mussolinien dirige le gouvernement depuis plus d’un an ; au Royaume-Uni, les conservateurs britanniques au pouvoir rivalisent d’outrance raciste, sur fond de désagrégation programmée de l’État social ; en Suède, plusieurs décennies après le reniement du modèle social-démocrate scandinave, la droite extrême est en charge des destinées du pays, secondée par un parti d’inspiration explicitement néonazie. En Slovaquie ou en Hongrie, le populisme d’extrême-droite a pris le pouvoir, tandis que l’Allemagne et la France font face à la perspective de plus en plus probable de l’accession au gouvernement de forces suprémacistes. Pourtant, dans ce paysage européen apparaissant uniformément conquis par la fièvre d’extrême-droite, le triomphe de Geert Wilders doit être singularisé. Abordé depuis la France, il doit être considéré comme un Zemmour ayant abandonné toute mesure d’auto-censure. Il avait ainsi déclaré en 2007 que le Coran “est le Mein Kampf d’une religion qui aspire à éliminer les autres”, avait refusé le terme de religion pour l’islam pour préférer l’expression d’”idéologie d’une culture attardée”, et avait qualifié le voile de “serpillère”. Ami de l’écrivaine éradicatrice Oriana Fallaci, défenseur de l’interdiction du Coran et des mosquées aux Pays-Bas, référence obligée de l’ensemble des tendances que comptent le racisme contemporain et l’islamophobie, Wilders fait figure de précurseur. Dès le début des années 2000, il a ainsi fondé la matrice idéologique du renouveau de l’extrême-droite européenne, constituée d’un côté par la critique de l’État-providence et de l’autre par une islamophobie extrême. Près de vingt-cinq ans après ses premiers succès électoraux, la recette suprémaciste fait désormais pleinement florès. Les sociétés européennes, qui ont fait du libéralisme le cœur de leur pratique politique, ont-elles définitivement succombé à l’appel du suprémacisme débridé ? Le pire n’est jamais certain, mais il ne fait aucun doute que la période historique dont nous sommes témoins laisse entrevoir un avenir sombre pour les minorités musulmanes européennes. Le Collectif contre l’islamophobie en Europe (CCIE) adresse ainsi son appel à toutes les personnes qui refusent de voir le climat politique européen se détériorer : la solidarité et l’auto-organisation n’ont rarement été aussi nécessaires qu’à l’heure suprémaciste. Le CCIE encourage vivement toutes les organisations de défense des droits humains et chaque individu à s’unir dans une lutte collective, visant à garantir que les minorités musulmanes jouissent en Europe des mêmes droits que l’ensemble de la société, tant aujourd’hui que dans les années à venir.
Signez la pétition ici. Le CCIE a pris connaissance du communiqué de presse de l’ARCOM en date du 7 novembre 2023 suite à sa réunion avec les médias audiovisuels concernant le traitement du conflit au Proche-Orient et escompte des changements immédiats dans les programmes et les prises de positions des chaînes télévisées. Depuis début octobre et les événements tragiques se déroulant actuellement en Palestine, la communauté musulmane de France a été la cible à de nombreuses reprises de propos discriminants, racistes et islamophobes sur différents plateaux de télévision. Des discours d’une grande gravité ont été tenus, avec une absence étonnante de contradiction de la part des journalistes présents sur ces plateaux, qui ont préféré laisser libre cours à ces propos pourtant condamnables par la loi. Pour exemples : Il est intolérable que ces propos puissent être formulés avec une telle liberté et en toute impunité. Ces déclarations n’engagent pas seulement la responsabilité de leurs auteurs mais également celle des chaînes de télévision qui offrent alors un écho inquiétant à ces idées profondément racistes et islamophobes. Le CCIE, particulièrement inquiet du traitement médiatique réservé aux communautés musulmanes de France, demande à l’ARCOM :