Est-ce qu’une fuite des cerveaux affecte la deuxième plus grande économie de l’Europe en raison du racisme et de l’islamophobie ? 

Une nouvelle étude à paraître dans les semaines à venir dans la revue académique Modern & Contemporary France, réalisée par Olivier Esteves, professeur à l’Université de Lille, a révélé qu’un certain nombre de musulmans, pour la plupart des employés très instruits, quittent la France, principalement en raison de la culture d’hostilité et de discrimination religieuse dans le pays. Selon un sondage réalisé en 2019 par la société d’études de marché Ifop, 42 % des musulmans ont déclaré avoir rencontré des problèmes de discrimination.

Après avoir interrogé 1 074 musulmans ayant quitté la France, il a constaté que plus des deux tiers ont déclaré avoir déménagé pour pratiquer leur religion plus librement, tandis que 70 % ont déclaré être partis pour faire face à des incidents moins fréquents de racisme et de discrimination.

L’islamophobie sur le marché du travail est-elle prise au sérieux ?

Une étude de 2016 révèle qu’un cinquième de toutes les discriminations islamophobes en France se produisent sur le lieu de travail, et un rapport gouvernemental de 2021 indique que les candidats à l’emploi dont le nom a une consonance arabe ont 32 % moins de chances d’être convoqués à un entretien que leurs homologues dont le nom n’a pas une consonance arabe. Ces chiffres inquiétants amènent à se poser une question importante : 

L’islamophobie et ses effets sur le marché du travail ont-ils été pris au sérieux ? 

« Ce qui est ironique, c’est que la France paie l’éducation de ces personnes, mais que le pays perd ces talents hautement qualifiés à cause d’une islamophobie institutionnelle rampante », a déclaré M. Esteves. 

Comme si la France préférait gaspiller l’argent public pour éduquer des citoyens, en sachant qu’une partie d’entre eux partiraient à cause de l’islamophobie rampante, plutôt que de déployer des politiques anti-islamophobie ambitieuses pour retenir ces musulmans français talentueux et hautement qualifiés dans l’économie française. 

« Il y a une montée très nette de l’islamophobie en France, contrairement à ce qui se passe ailleurs en Europe », a déclaré Karim Ridwan, un membre du Collectif Contre l’islamophobie en Europe, une organisation à but non lucratif qui recense les incidents contre les musulmans. « Le monde anglo-saxon est beaucoup plus accueillant en comparaison ».

Les travailleurs savent qu’ils ne peuvent pas totalement échapper au sentiment antimusulman en Occident, mais affirment que la discrimination est plus importante en France – et qu’elle s’est sensiblement aggravée.

Une montée constante de la politique antimusulmane 

Les attitudes islamophobes, alimentées par l’animosité envers la population musulmane par les groupes d’extrême droite, mais aussi par la série de politiques du gouvernement centriste d’Emmanuel Macron prétendant endiguer le terrorisme islamique radical, ont créé une culture d’hostilité envers les musulmans et les pratiques islamiques et ont finalement conduit à une fuite massive des cerveaux dans le pays qui abrite la plus grande population musulmane d’Europe. 


Depuis 2015, la France a adopté une série de lois qui, selon les musulmans, ont restreint certaines de leurs libertés. En 2016, une loi a été introduite pour limiter le port de symboles religieux manifestes – tels que les hijabs – au travail. En 2017, le gouvernement de Macron a adopté une loi soumettant la nomination des imams à un examen gouvernemental sévère, dans le cadre d’un effort plus large qui, selon lui, aiderait à arrêter la propagation de l’islam radical. Le gouvernement a également fermé plusieurs groupes gérés par des musulmans, tels que des mosquées, des associations caritatives et des organisations à but non lucratif, notamment le Collectif Contre l’Islamophobie en France, fondé en 2004 et qui documente le phénomène depuis lors et souligne chaque année l’augmentation des attaques islamophobes. 

En 2021, le ministre de l’Enseignement supérieur en place à l’époque a déclaré qu’il souhaitait mettre un frein à l’enseignement des idéologies islamistes présumées d’extrême gauche, qu’il qualifiait d’islamo-gauchisme.
Selon les universitaires,  l’environnement médiatique a également présenté une vision plus négative des musulmans,, qui a été renforcée pendant la campagne présidentielle de 2022 par les candidats d’extrême droite Marine Le Pen et Eric Zemmour, qui ont consacré une grande partie de leurs discours électoraux aux « dangers de l’islam ».



Source : Discrimination Is Pushing Muslim Professionals to Leave France – Bloomberg

Le Collectif Contre l’Islamophobie en Europe est une association sans but lucratif basée en Belgique.

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