Auteur/autrice : La Rédaction

De l’interdiction à l’insulte, sur les propos du président de la République

« Il faut que tout le monde s’y range et que ce soit respecté, il faut que les familles qui voulaient mettre l’abaya pour leur fille, ou les jeunes filles qui voulaient la mettre, comprennent ce pourquoi on le fait (…). On ne vous empêche pas de croire à une religion, mais dans l’école, il n’y a pas de place pour ces signes. On a des parents qui nous défient, des gens qui testent la laïcité. Il ne faut pas se tromper, nous vivons dans notre société aussi – avec une minorité mais quand même – de gens qui, détournant une religion, viennent défier la République et la laïcité, et pardon, mais ça a parfois donné le pire. On ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu l’attaque terroriste et l’assassinat de Samuel Paty dans notre pays, et ça s’est fait. (…) Le pire est arrivé. Donc ça existe, des gens qui sont capables du pire dans notre pays, donc on ne doit rien céder. » Emmanuel Macron, le 4 septembre 2023 En accordant une interview à un vidéaste populaire, le chef de l’État a manifestement visé à parler aux « jeunes ». Si la forme est neuve, le contenu, qui rapproche le port de vêtements amples à l’école à l’assassinat d’un professeur, demeure désespérément vieux, éculé et réactionnaire. Sa prise de parole s’inscrit dans un contexte politique et social de rare incandescence. La violence déchaînée par son gouvernement contre le mouvement de contestation de la réforme des retraites s’est redoublée face à la jeunesse des banlieues et d’au-delà, révoltée par la mise à mort de l’un des leurs par la police. Comme chaque année, la rentrée scolaire et universitaire se déroule dans des conditions gravement dégradées, du fait du manque de considération à l’égard de l’ensemble de la communauté éducative, la faiblesse des moyens matériels qui lui sont alloués et l’imbroglio des réformes successivement pensées en complète déconnexion avec le réel. Dans ce contexte, le nouveau ministre de l’Éducation nationale croit allumer un contre-feu. Produit de l’une des institutions privées les plus élitistes de France, il affirme défendre l’école républicaine en en excluant de fait les élèves musulmanes dont l’aspect permettrait de deviner leur confession. Le ministre l’affirme fermement : qu’il s’agisse d’un habit consacré par la tradition religieuse ou d’une pratique vestimentaire neutre par elle-même mais adoptée au sein de la jeunesse musulmane, la même condamnation implacable doit lui être opposée. Robes longues, kimonos ou pulls et pantalons amples, peu importe le prétexte, il s’agit de poursuivre la mécanique acharnée d’incrimination des musulmans, au sein de l’école et avec les enfants qui la fréquentent. L’abaya est interdite, la proposition d’uniforme scolaire que l’on avait crue oubliée est ressuscitée. La séquence ne peut étonner ceux et celles qui reconnaissent à chaque nouvelle « affaire » l’obsession d’une partie des élites politiques radicalisées quant à la communauté musulmane. D’année en année, de rentrée scolaire en rentrée scolaire, les musulmanes et les musulmans de ce pays sont ainsi tristement habitués à subir les foudres du débat public. Cette nouvelle mise en musique de l’islamophobie d’ambiance se heurte néanmoins à la réalité d’un climat social dégradé bien au-delà de la communauté musulmane. Si elle est attachée à la laïcité, la communauté éducative se refuse à endosser le rôle de hussards noirs d’un gouvernement qui ne cesse de lui exprimer son mépris. Meurtrie par la violence policière des derniers mois, la jeunesse de France rejette tout à la fois l’incrimination perpétuelle de sa composante musulmane et la dérive réactionnaire qui en est à la source. C’est dans ce contexte que le chef de l’État s’est vu obligé de justifier les annonces de son ministre de l’Éducation nationale. S’il faut se montrer si implacable, si belliqueux, ce serait donc en vertu du passé : le nom « Samuel Paty » est lâché. Peu importe le respect que l’on doit aux morts, peu importe que les proches de Samuel Paty accusent l’État de ne pas l’avoir protégé, peu importe enfin que l’actualité récente ait été marquée par l’affaire du Fonds Marianne, fondé en hommage à Samuel Paty mais détourné, « on ne doit rien céder parce que le pire est arrivé » affirme Emmanuel Macron. De proche en proche, la violence terroriste la plus abjecte, l’assassinat cruel d’un professeur, est ainsi censée fonder la motivation de la politique gouvernementale d’exclure une nouvelle fois des musulmans de l’école, et plus largement de la communauté nationale. Comment s’étonner alors, après ces mots, après la constante criminalisation de la jeunesse musulmane, après les humiliations subies par ces jeunes filles sommées de montrer leurs formes pour entrer à l’école, que certaines d’entre elles répondent de façon déplorable ?  Deux élèves font en effet actuellement la une des journaux pour avoir envoyé des messages de menace à une CPE. Si ce comportement est injustifiable, la question reste entière de la part de responsabilité d’un gouvernement décidé à ne montrer à une partie de la jeunesse de France que mépris et brutalité. À l’heure d’une inquiétante dégradation de la vie sociale en France et du climat politique, le CCIE appelle le gouvernement à retrouver la raison, ainsi que les plus élémentaires des conventions morales. La tentation autoritaire que ces déclarations révèlent abîme déjà la communauté nationale bien plus que ne le pourraient jamais les robes longues des élèves musulmanes.

Face au harcèlement scolaire visant les élèves musulmanes, que fait la Défenseure des droits ?

Ces dernières années ont vu s’accroître exponentiellement les discriminations à l’endroit des personnes perçues comme étant musulmanes. Les discriminations qui touchaient les femmes portant le foulard concernent désormais celles qui choisissent simplement des vêtements amples et plus couvrants. L’élargissement de la loi sur le foulard de 2004 aux « signes religieux par destination » en 2022 a ainsi été à l’origine d’une période d’acharnement à l’endroit des lycéennes et collégiennes portant des tenues jugées arbitrairement trop couvrantes. Les déclarations de Gabriel Attal en cette rentrée scolaire laisse présager un redoublement des incidents. L’année passée, de nombreuses élèves ont déjà été victimes de formes diverses de harcèlement sexiste, de propos racistes et de sanctions disciplinaires abusives, à un âge de très grande vulnérabilité. Cette nouvelle disposition à l’égard des vêtements amples ne concerne d’ailleurs plus seulement l’école et d’autres discriminations sur ce fondement se font voir ailleurs, notamment dans l’accès à l’emploi.  Sexisme, racisme, harcèlement scolaire : dans ce contexte de discriminations accrues, le CCIE s’étonne du silence de la Défenseure des droits lorsqu’elle est saisie pour des faits de racisme anti-musulman. La question se pose en effet de savoir si la Défenseure des droits remplit aujourd’hui pleinement son rôle auprès des citoyennes et citoyens dès lors qu’elle ne répond pas aux sollicitations de victimes de discrimination. Le harcèlement scolaire vécu par les élèves choisissant de porter des vêtements amples devrait pourtant alerter cette institution, tant s’y concentrent de nombreux enjeux primordiaux pour le Défenseur des droits : l’intérêt supérieur de l’élève, le bien-être à l’école, l’égalité de genre, la lutte contre les discriminations raciales et religieuses, la construction citoyenne et la confiance dans les services publics. Les missions du Défenseur des droits Le Défenseur des droits a en effet pour champ d’action ce qui concerne les relations entre les services publics et leurs usagers, et en particulier la lutte contre les discriminations de tout ordre, la défense de l’intérêt supérieur de l’enfant, le contrôle des forces de sécurité ainsi que la protection des lanceurs d’alerte. Ces prérogatives sont cruciales, puisqu’elles visent à corriger les inégalités, rendre les droits effectifs, et prévenir d’autres violations. Sa mission doit être menée en tout indépendance (il doit « dire la vérité, parce qu’indépendant et libre, près de toutes et de tous, partout »), notamment s’agissant du pouvoir exécutif, et doit contribuer à accroître la confiance de toute la société dans son service public. Le Défenseur des droits est ainsi censé garantir l’égalité et nourrir le sentiment de justice chez toutes les citoyennes et tous les citoyens. Ces visées sont d’autant plus importantes s’agissant des discriminations qui grèvent l’égalité de toutes et tous. Aussi est-il de la responsabilité du Défenseur des droits de défendre les groupes sociaux les plus touchés par des inégalités de traitements, notamment dans le cadre des services publics. L’approche intersectionnelle dont se prévaut le Défenseur des droits est directement requise pour la prise en compte des manières à travers lesquelles se combinent différentes formes de discrimination et d’oppression Un changement de cap évident Sur le plan de la lutte contre l’islamophobie, le Défenseur des droits a longtemps tenu ces engagements. Dès 2016, celui-ci alertait contre les dangers de la lutte contre l’islamisme radical et l’instauration d’une société de vigilance. Le Défenseur des droits mettait alors en garde contre les diverses formes de méfiance, de suspicion, et d’hostilité encouragées par la logique sécuritaire qui frappent les personnes et communautés musulmanes, érodant la cohésion sociale et compromettant les principes de l’État de droit. En 2019, il dénonce également les mesures attentatoires aux libertés et aux droits fondamentaux de la lutte contre le terrorisme, déplorant que celles-ci « tend[ent] à soutenir des attitudes fondées sur des amalgames et des préjugés, qui nourrissent les discriminations et fragilisent au quotidien les droits et les libertés, tout en remettant en cause les fondements du principe de laïcité ». Le Défenseur des droits s’est ainsi positionné en défense du principe de laïcité, régulièrement bafoué par les discriminants islamophobes, par exemple lorsque des solutions d’hébergement ont été refusées par un centre de réinsertion social à des personnes arborant un signe religieux, lorsqu’une étudiante a été contrainte de retirer son foulard pour ses examens, ou pour la réalisation d’un Pass navigo, lorsque des mères portant un foulard ont été empêchées d’accompagner des sorties scolaires, ou encore lorsque des femmes portant des maillots de bain couvrants se sont vues refuser l’entrée de piscines privées. Le Défenseur des droits a également relevé que ces discriminations touchaient également les enfants, ce qu’ont exemplifié les divers cas de suppression des menus de substitution dans les cantines scolaires.  Pourtant, depuis le mandat de Mme Claire Hédon débuté en 2020, le CCIE s’inquiète d’un temps de traitement des dossiers exceptionnellement long. Lorsque des réponses de la Défenseure des droits parviennent enfin, elles sont invariablement en faveur du discriminant. Une étudiante a ainsi sollicité la Défenseure des droits car elle s’est vue interdire le port du voile au sein d’un centre de formation continue. Alors que cette interdiction a été qualifiée de violation par le comité des droits de l’Homme de l’ONU, la réponse de la Défenseure des droits approuve l’interdiction du port du voile au motif non étayé du risque de trouble à l’ordre public. Suite à une autre sollicitation par nos services, la Défenseure des droits a décidé, sur la base du vadémécum de la laïcité à l’école, que les chefs d’établissement étaient en droit de demander que les élèves ôtent leur foulard lorsqu’elles venaient chercher leurs diplômes.  Une autre réponse de la  Défenseure des droits donne encore raison au discriminant lorsque celui-ci interdit l’entrée du lycée à une élève parce qu’elle porte une robe longue : « Il n’y a pas pour le moment de description des tenues inadaptées au sein des établissements scolaire. Par contre, au vu des photos que vous m’aviez fait parvenir, majoritairement elles sont considérées comme faisant partie des tenues à ne pas revêtir en établissement scolaire : il serait donc préférable de ne pas les mettre ». Cette réponse – qui se contredit elle-même et se réfère vaguement à

Interdiction des abayas à l’école : jusqu’où ira le détournement du principe de laïcité ?

Parmi les multiples défis auxquels est aujourd’hui confrontée l’école française (manque d’effectifs, harcèlement scolaire, problèmes d’inclusion des élèves en situation de handicap…), le nouveau ministre de l’Éducation nationale a choisi, dans la continuité de son prédecesseur Pap Ndiaye, de frapper fort sur un sujet bien spécifique : le port des abayas par les élèves au sein des établissements scolaires. Gabriel Attal a en effet annoncé l’interdiction du port de cette tenue, prétendant ainsi répondre aux besoins des directeurs d’établissement de disposer de lignes directrices claires concernant ce qui pourrait potentiellement enfreindre le principe de la laïcité. Selon le ministre, cette mesure s’imposerait d’elle-même du fait de l’inflation récente des atteintes à la laïcité en milieu scolaire, arguant que celles-ci auraient augmenté de 120% entre l’année scolaire 2022-2023 et 2021-2022. Cette augmentation a pourtant peu à voir avec de supposées attaques délibérées contre l’école républicaine comme le ministre l’avance, mais est bien davantage le résultat d’une focalisation sur les tenues des élèves musulmanes, qui tourne à un véritable acharnement. L’école républicaine « testée » par les atteintes à la laïcité ? En suivant la rhétorique de la lutte contre le séparatisme, selon laquelle la République serait activement menacée par un complot islamiste, le ministre justifie cette mesure d’interdiction par l’idée que le port des abayas constituerait des « coups de butoir, des attaques, des déstabilisations » contre la laïcité et l’institution scolaire. Il convient néanmoins de questionner ce qui constitue réellement une transgression des principes de laïcité et du droit à l’éducation. Le ministre a en effet affirmé que la religion d’un élève ne devait pas être décelable, décrétant ainsi que les habits longs et amples constitueraient des vêtements à caractère religieux. Il s’arroge ainsi un pouvoir qui excède largement ses fonctions, celui d’attribuer à un objet une signification religieuse. En redéfinissant la laïcité dans un sens de plus en plus intrusif et répressif, c’est cette approche qui met à mal l’équilibre nécessaire à un environnement éducatif attentif au bien-être des élèves et ce sont ces déclarations qui altèrent la nature même du principe de laïcité.  Des difficultés à reconnaître un signe religieux Puisque le caractère religieux des tenues visées est difficile à établir, les chefs d’établissements ont été encouragés, suite à la circulaire sur les abayas de novembre 2022, à convoquer les élèves afin qu’elles confirment la dimension religieuse de leurs choix vestimentaires. Selon les témoignages qui nous sont parvenus, même lorsque les élèves affirmaient ne pas porter ces vêtements pour des raisons religieuses, le personnel a refusé de les croire. Ces discussions forcent ainsi les élèves à exposer et à justifier leurs croyances personnelles, ce qui constitue une atteinte à la fois à leur liberté de conscience et à leur vie privée.   Les élèves rapportent que ces convocations ont aussi été l’occasion pour le personnel d’aborder des sujets tels que leur rapport au Coran, à la pratique religieuse, au pays d’origine de leurs parents, ou bien leurs avis quant aux attentats, notamment celui ayant touché le professeur Samuel Paty. Ces questions tendent ainsi à établir un lien abusif entre la tenue des élèves et des formes de radicalités religieuses ou de rejet de la France. Un blanc-seing donné au sexisme à l’école Outre le détournement de la laïcité que représente cette interdiction, le ministre encourage un climat sexiste à l’école. Comme l’a montré l’année scolaire 2022-2023, durant laquelle des centaines d’incidents nous ont été signalés, la focalisation sur les tenues vestimentaires des élèves donne lieu, sans surprise, à des situations dégradantes pour ces jeunes filles : certains proviseurs se sont ainsi permis d’ordonner que les élèves portent des vêtements qui permettent de « voir leurs formes », de demander ce que les élèves portaient sous leurs jupes, de demander à ce qu’elles se déshabillent, se changent, etc… Ces injonctions et ces commentaires créent un climat délétère pour les élèves qui subissent à un âge de grande vulnérabilité un contrôle accru sur leurs corps et leurs façons de se vêtir – ce qui est à même de perturber le bon déroulement de leur scolarité. Une police vestimentaire à deux vitesses Au-delà du caractère sexiste de ces pratiques visant à contrôler les tenues de ces jeunes filles, les réduisant ainsi à leurs vêtements, ces prises à partie concernent systématiquement des jeunes filles considérées comme d’origine maghrébine ou africaine, car elles sont implicitement perçues comme musulmanes. Le terme de « abaya » semble avoir été stratégiquement choisi pour désigner confusément toute tenue ample portée par une femme présumée musulmane. Au cours de l’année 2022-2023, plusieurs incidents ont démontré que les mêmes tenues portées par des élèves considérées comme non-musulmanes, ne posaient pas problème dans l’établissement car leur tenue n’étaient pas interprétée comme ayant un caractère religieux. Les dernières déclarations du ministre de l’Education nationale légitiment ce délit de faciès. Cet amalgame entre origine et religion est préjudiciable : il amène à une assignation des élèves à une religion, et, à terme, à un traitement différencié et un contrôle accru des tenues vestimentaires de certaines jeunes filles plutôt que d’autres. Si seules les jeunes filles considérées comme issues de l’immigration maghrébine et africaine font l’objet de ces traitements, il s’agit bien là de discriminations à caractère raciste.  Ainsi, l’interdiction du port de vêtements longs et amples ne peut que nourrir un climat discriminatoire dans les écoles françaises : cette mesure appelle à être appliquée abusivement par la confusion qu’elle implique entre vêtement religieux et vêtements simplement jugés trop couvrants, elle encourage et valide les dérapages sexistes et racistes, les atteintes à la vie privée des élèves, à leur dignité et au principe d’égal accès à l’éducation. Au nom de la lutte contre le sexisme, contre le racisme et pour le droit à l’éducation, nous appelons donc à dénoncer collectivement cette mesure, dont les conséquences ne peuvent qu’être préjudiciables pour nos enfants.

Une « robe musulmane » ?

📹 Comme des centaines de lycéennes, Alina est harcelée par le proviseur de son lycée du fait de ses choix vestimentaires. Trop souvent, nos jeunes sont confrontés à des préjugés et à une intolérance, uniquement pour leur choix vestimentaire. ❗️Chacun de nos enfants a le droit de grandir dans un environnement d’apprentissage respectueux et sécurisé. Le CCIE se bat pour que cette réalité devienne la norme.

Voilà ce qu’a subi ma fille en allant au lycée !

L’histoire bouleversante de Julie et de sa fille n’est malheureusement pas un cas isolé. Trop souvent, nos jeunes sont confrontés à des préjugés et à une intolérance, uniquement pour leur choix vestimentaire. Chacun de nos enfants a le droit de grandir dans un environnement d’apprentissage respectueux et sécurisé. Nous, au CCIE, nous nous battons pour que cette réalité devienne la norme.

Abattage rituel de l’Aïd al-Adha

Télécharger la fiche pratique À l’approche de l’Aïd al-Adha (fête du sacrifice) ou l’Aïd al-Kabir (grande fête), Sofiane s’interroge sur l’abattage rituel afin qu’il puisse l’effectuer dans les meilleures conditions, notamment dans le respect de la réglementation nationale, des normes et de la sécurité sanitaire des aliments, de la santé, de la protection animale et de l’environnement. Que dit la loi ? La loi autorise l’abattage rituel dans les seuls abattoirs agréés, permanents ou temporaires, et interdit, par conséquent, le recours aux abattoirs clandestins comme à la ferme ou encore chez l’habitant (Article R214-73 du Code Rural et de la Pèche Maritime (ci-après le « Code rural »)). L’abattage rituel des animaux sans étourdissement est une dérogation qui est strictement encadrée par les par les articles R214-73 à R214-75 du Code rural. Pour vous assurer du caractère rituel de l’abattage, deux conditions sont à vérifier :  Pour que les abattages rituels dans des abattoirs soient autorisés à déroger à l’obligation d’étourdissement, les sacrificateurs doivent être titulaires d’un certificat de compétence : « Protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort », délivré par le préfet pour une durée de cinq ans (CCPA). Les sacrificateurs doivent être, en outre, habilités par des organismes religieux agréés par le ministre chargé de l’agriculture, sur proposition du ministre de l’Intérieur (Article R214-75 du Code Rural). Les animaux doivent être immobilisés avant leur saignée par un procédé mécanique (Article R214-74 du Code Rural).   Comment répondre à la forte demande lors des jours de l’Aïd ? Pour faire face à la demande croissante d’agneaux ou de moutons, d’au moins six mois, répondant à la fois aux exigences légales et aux principes musulmans pendant l’Aïd al-Adha ou l’Aïd al-Kabir, l’arrêté du 18 décembre 2009 NOR AGRG0927648A autorise l’utilisation d’abattoirs temporaires agréés sur la base d’un dossier d’agrément temporaire soumis à la Direction Départementale (de la Cohésion Sociale et) de la Protection des populations (DD(CS)PP).    Qu’est-ce que je risque en cas d’abattage en dehors d’un abattoir agréé ? L’abattage d’un animal en dehors d’un abattoir agréé, permanent ou temporaire, constitue un délit pénal passible de six mois d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende (Article L.237- 2 du Code rural). La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 étend le délit de maltraitance animale aux établissements d’abattage et de transport d’animaux vivants et double les peines pour maltraitance animale de six mois à un an d’emprisonnement.   Puis-je détenir des animaux vivants destinés à la consommation ? Toute personne détenant des animaux, en dehors des transporteurs et propriétaires ou responsables des centres de rassemblement, doit se déclarer auprès de l’établissement départemental de l’élevage (EdE) pour obtenir un numéro national.  Les particuliers qui ne se sont pas déclarés à l’EdE ne peuvent pas détenir d’animaux vivants. Cette infraction est passible d’une contravention de 5ème classe (Article R. 215-12 IV et R.215-11 du Code rural). Lorsque le particulier achète un agneau ou un mouton :  Chez un éleveur ;
 Auprès d’un négociant en bestiaux ; Dans un marché d’animaux organisé par un éleveur/négociant ; L’animal est alors conduit directement à l’abattoir pour le sacrifice avec le document de circulation de l’animal.   Puis-je transporter des animaux destinés à la consommation ?  Le fait de transporter des animaux vivants sans l’autorisation de transporteur lorsqu’elle est requise, constitue un délit puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (Article L. 215-13 du Code rural).  Une fois l’autorisation accordée, comment transporter mon animal ?  Tout au long du transport, il convient de veiller au bien-être de l’animal notamment en prenant en compte la ventilation, la taille du véhicule, etc.   Par conséquent, il ne convient pas de le transporter : dans un coffre fermé sans aération ;  couché avec les pattes attachées ; dans des conditions telles qu’il risque de tomber, se blesser, voire fuir sur la voie publique.  Il faut donc prévoir un espace spécial pour les besoins vitaux de l’animal (Art. R. 214-50 du Code rural), de le nourrir et lui donner à boire, de le traiter avec compassion et bienveillance. Le fait de ne pas respecter ces prescriptions fait courir le risque d’une contravention de 4e classe (750 euros au plus).  Télécharger la fiche pratique

Tenues vestimentaires à l’école publique

Télécharger la fiche pratique De nombreuses collégiennes ou lycéennes nous interpellent au sujet de leurs tenues vestimentaires, lesquelles sont parfois perçues comme un « signe ostentatoire d’appartenance religieuse » par leur établissement. Tunique, pantalon ample, jupe ou robe longue, peut-on m’interdire le port d’une tenue vestimentaire au sein de mon établissement scolaire ? Que dit la loi ? Tout d’abord, la LOI n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics dit :   « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit », comme le foulard, la kippa, le turban sikh ou une croix trop visible (art. L. 141-5-1 du Code de l’éducation).  Toutefois, les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets. La circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en œuvre de la loi du 15 mars 2004 précise clairement que la loi « n’interdit pas les accessoires et les tenues qui sont portés communément par des élèves en dehors de toute signification religieuse. En revanche, la loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu’il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement » (art.2-1).   D’après la jurisprudence, sont également interdits les signes et tenues dont le port ne manifeste une appartenance religieuse qu’en raison du comportement de l’élève (CE, 5 décembre 2007). En plus du signe religieux stricto sensu, tel que le foulard, l’interdiction porte également sur le caractère ostensible de la manifestation et non pas sur le signe en tant que tel.   L’appréhension de cette deuxième catégorie est moins évidente, et repose sur l’interprétation de l’autorité scolaire. Une telle interprétation peut s’appuyer sur deux critères : le port en permanence du couvre-chef (bandana, bonnet) et le refus catégorique de l’ôter pour des raisons religieuses (CE 5 déc. 2007, M. et Mme Ghazal n° 295671 ; 10 juin 2009 n°306798). Ainsi, la loi du 15 mars 2004 ne s’oppose pas au port de jupes ou robes longues, de tenues amples ou d’accessoires, qui ne sont pas par nature des tenues religieuses et qui sont communément portées. Les vêtements ordinaires tels que robes ou jupes longues ne sont en principe pas assimilés à une tenue religieuse. Interdire le port de jupes longues ou vêtements amples, quelles que soient leurs couleurs, est une atteinte à l’identité personnelle et à la liberté d’expression. Les vêtements peuvent, en effet, être portés par goût personnel, sans connotation religieuse.    Aucune règle n’interdit ni ne règlemente le port de vêtements « traditionnels » ou « non occidentaux » dans le cadre scolaire.    Si chaque établissement scolaire, par le biais de son règlement intérieur, est libre de définir des règles en matière vestimentaire en exigeant notamment « une tenue correcte » et que des restrictions vestimentaires peuvent être prévues pour des questions d’hygiène, de sécurité ou de « civilité », celles-ci doivent se fonder sur des critères objectifs et non discriminatoires.    La liberté de choix vestimentaire est garantie par le droit à la vie privée au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui englobe « l’identité physique, psychologique et sociale d’un individu » (CEDH 8 novembre 2011 V. C. c/ Slovaquie, n° 18968/07). Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, le choix de ses vêtements est une composante du droit à la vie privé et à la liberté d’expression.   Cette liberté est même inscrite dans le Code de l’éducation : « dans les collèges et les lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d’information et de la liberté d’expression » (art. 511-2 du Code de l’éducation).   Le droit à la liberté vestimentaire est également reconnu par les articles 4 et 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 :   L’article 4 dispose que : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». L’article 10 dispose que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ». Que dois-je faire ? Sollicitez le fondement légal (texte de loi, circulaire, décret, règlement intérieur, etc.) qui justifie qu’on s’oppose au choix de votre tenue vestimentaire. Si on vous refuse l’accès à l’établissement, sollicitez une notification écrite précisant le motif de refus, c’est-à-dire votre tenue vestimentaire. Rappelez que votre tenue n’a aucune connotation religieuse, qu’elle est correcte et communément portée.  Informez vos parents de la situation et sollicitez avec ces derniers un rendez-vous avec le chef d’établissement afin de favoriser la médiation.  Si vous faites l’objet d’une procédure de discipline, vérifiez les motifs mentionnés dans la convocation du conseil de discipline.  Si vous faites l’objet d’une exclusion temporaire, cela ne peut se faire qu’après un entretien avec vous et vos parents. Demandez qu’on vous propose une solution alternative vous permettant d’accéder à une scolarité dans des conditions équivalentes à celles des autres élèves. Vous pouvez alerter le référent laïcité de l’académie, le Directeur des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN) et le Défenseur des droits. Si le désaccord persiste vous pouvez faire appel au médiateur de l’éducation nationale. Saisissez le CCIE qui vous apportera soutien et assistance juridique. 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Mes droits si je fais l’objet d’injures

Télécharger la fiche pratique Assia se rend en vacances dans le sud de la France avec ses enfants. Ayant réservé une location près de la plage, elle aimerait aller s’y baigner avec ses enfants mais craint que le port d’un maillot de bain couvrant ne soit interdit. Elle se demande également s’il en est de même pour la base de loisirs où elle se rendra également par la suite. Que dit la loi ? L’injure est définie par la loi du 29 juillet sur la liberté de la presse de 1881 comme « Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait » (art. 29 al. 2). Ainsi, contrairement à la diffamation, l’injure n’impute pas un fait précis à une personne (Cass. crim., 7 décembre 2010, n° 10-81.984).  Dire par exemple, de quelqu’un qu’il est un voleur peut être une injure mais non une diffamation car on ne l’accuse pas d’un vol précis. Il n’est pas toujours facile de différencier ces deux infractions et dans le cas où elles sont indivisibles, c’est la diffamation qui prévaudra (Cass., crim. 12 juin 1956). L’injure se distingue également de l’outrage (v. Décision 2021-896 QPC du 9 avril 2021), réprimé à l’article 433-5 du Code pénal qui vise les menaces, gestes ou paroles adressés à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.   Injure privée Selon que l’injure soit commise en public ou dans le cadre privé, la sanction est plus ou moins lourde.  L’injure privée ou non publique, est celle adressée à la victime sans qu’aucune tierce personne ne soit présente, notamment par courrier électronique ou SMS, ou celle prononcée par son auteur devant un cercle restreint de personnes qui partagent les mêmes intérêts, en la présence ou non de la victime. Elle est constitutive d’une infraction.   Injure publique L’injure publique est une injure pouvant être entendue ou lue par un public, elle est constitutive d’un délit. Les personnes susceptibles d’être témoins peuvent ne pas être liées par une communauté d’intérêt.  C’est le cas des injures prononcées en pleine rue, publiées dans un journal ou sur Internet, par exemple. Dans ce dernier cas, si l’injure est postée sur un réseau social, il faudra que cela soit accessible à tous pour être qualifié d’injure publique. Pour qu’il y ait injure publique, il faut la réunion de quatre éléments : Une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective : un terme apparemment anodin peut devenir injurieux selon le contexte. Les termes s’appliquent à une personne ou à un ensemble de personnes déterminées. Ainsi la mise en cause d’une religion ne peut constituer un délit d’injure à défaut de mettre en cause les croyants eux-mêmes. L’intention est de nuire : l’objectif de l’injure est de blesser la personne à qui elle est adressée, dans son honneur et sa dignité. Il pèse une présomption de mauvaise foi sur la personne poursuivie. Il y a publicité au sens de la loi de 1881 : celle-ci est constituée pour toute parole ou cri « proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes (…) » (art.23 al.1). En cas de publication directe, l’infraction est imputée à l’auteur de l’injure et en cas de publication indirecte, c’est-à-dire lorsque le propos est transmis au public par un tiers, l’infraction est alors imputée à ce dernier. Il s’agit en général de l’éditeur ou du directeur de publication : il pourra donc voir sa responsabilité pénale engagée et l’auteur des propos pourra être poursuivi en tant que complice.   Injure à caractère raciste/discriminatoire L’alinéa 3 de l’article 33 de la loi de 1881 détermine un régime particulier relatif aux injures publiques dirigées contre une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Exemples :  « Retourne dans ton pays, tu n’es pas chez toi ici » (CA Riom, ch. corr., 3 novembre 2005) ;  « Les mineurs isolés, sont des voleurs, des violeurs, des assassins » (Tribunal correctionnel de Paris, le 17 janvier 2022).   Sanctions   L’auteur d’une injure proférée en privé encourt une amende de 38 euros (art. R621-2 du Code pénal). La condamnation est plus grave si l’infraction est commise envers une personne à raison de son origine raciale ou de son appartenance à une religion : 1500 euros d’amende (art. R625-8-1 du Code pénal). L’injure publique est punissable d’une amende de 12 000 euros.  La condamnation est plus grave en cas d’injure raciale publique qui peut être punie par une peine de prison d’un (1) an et 45000 € d’amende ; les peines sont portées à trois (3) ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende si les faits sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission (art 33 al.5 de la loi de 1881).    Pour l’injure publique et l’injure privé à caractère raciste, vous devez agir dans l’année qui suit le jour où l’écrit ou les propos ont été émis ou portés à la connaissance du public. Pour l’injure à caractère public ou privée et non raciste, le délai pour agir est de trois (3) mois.    Les excuses à l’injure   L’humour Le délit d’injure peut se voir « excusé » lorsque le propos s’inscrit dans le cadre de l’humour et de la satire politique (Cass. crim. 20 septembre 2016, n °15-82.944). Pour accorder le bénéfice du droit à l’humour, la personnalité du locuteur peut être examinée de manière objective par le juge, à savoir s’il est un humoriste ou non par exemple (TGI Paris, 17e ch., 19 décembre 2013, n° 313-11).        Ce droit à l’humour s’arrête lorsque les propos portent atteinte au respect de la personne humaine.

Le Collectif Contre l’Islamophobie en Europe est une association sans but lucratif basée en Belgique.

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