Auteur/autrice : La Rédaction

« J’ai vu une arme pointée sur ma famille »: Publication d’un rapport sur les perquisitions pendant les JO de 2024

Au titre de l’impératif de protection du public lors de la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris qui se sont tenus du 26 juillet au 8 septembre 2024, le ministère de l’Intérieur a mis en place un arsenal sécuritaire d’ampleur inédite en France contemporaine. Cette vague répressive, qui fait suite à plusieurs années d’extension de la législation antiterroriste et de l’incorporation des dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun, a conduit à une série de mesures explicitement liberticides, en apparence destinées à prévenir toute menace à l’encontre des biens et des personnes, en pratique formant un continuum avec la trame de la lutte contre la radicalisation et le séparatisme islamiste. À compter du mois d’avril 2024, le ministère de l’Intérieur a ainsi émis une série de « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » (MICAS). Celles-ci consistent en des mesures de privation de liberté, notamment par l’assignation à résidence d’individus considérés comme suspects, en conjonction avec la mise en œuvre de milliers d’enquêtes administratives et de visites domiciliaires. Parmi les personnes ciblées, des individus fichés S, des militants de l’ultragauche ou de l’ultradroite, mais également des personnes en situation administrative précaire ou simplement appartenant à des sphères professionnelles réputées sensibles. Cette diversité des profils atteints par les MICAS ne peut néanmoins masquer la réalité d’une politique visant essentiellement des personnes de confession musulmane, qui constituent ainsi l’essentiel des personnes concernées, ciblées sur le fondement de motifs inconsistants et douteux, parfois totalement fantaisistes.

A Response to ‘Le Monde’ against the Legitimation of Conspiratorial and Islamophobic Ideas

The Collective for Countering Islamophobia in Europe firmly condemns the article published by Le Monde on Monday, December 23, which grants an unchallenged platform to Bertrand Chamoulaud, Head of the National Directorate of Territorial Intelligence (DNRT). This text, riddled with ideological shortcuts and conspiracy theories, demonstrates a serious failure to uphold fundamental journalistic principles. By relaying such paranoid and Islamophobic rhetoric, Le Monde forfeits its responsibility to inform the public with rigor and impartiality. First, the claim that “the Muslim Brotherhood seeks to ultimately turn France and Europe into a caliphate by imposing Sharia” reflects the most hackneyed far-right fantasy. Such statements, unworthy of a high-ranking public security official, demonstrate a complete abandonment of factual rigor with the aim of demonizing Muslims. This conspiratorial rhetoric is nothing more than a political tool designed to justify repressive and discriminatory policies against part of the French population. The DNRT director goes on: “When the State tries to reaffirm the rules of the Republic by expelling imams, freezing assets, or shutting down mosques, you hear voices denouncing Islamophobia.” The closure of places of worship, the freezing of assets, and the expulsion of imams are examples of an authoritarian drift rather than a reiteration of the Republic’s principles. Islamophobia is neither an opinion nor a form of victimhood exaggeration, but a phenomenon thoroughly documented by abundant scientific literature. We refer Bertrand Chamoulaud back to these indispensable sources that he seems proud to ignore. Moreover, the article reveals a striking imbalance in the way antisemitic and anti-Muslim acts are addressed. While the former are fortunately recorded and published meticulously, the latter are described as “difficult to list.” This disparate treatment illustrates a stubborn refusal to take anti-Muslim racism seriously. Yet through its annual reports, the CCIE provides the most comprehensive data on Islamophobic acts in Europe. In 2022, we recorded 828 anti-Muslim acts, nearly three times the 242 reported by the Ministry of Interior. For the mentioned period —from January 1, 2024, to October 21—the figures provided by the DNRT director stand at 143, whereas the CCIE has received 1096 reports. A recent report by the EU Agency for Fundamental Rights (FRA) also indicates that Muslims are increasingly falling victim to discrimination and racism (47% have already experienced racial discrimination, 39% have faced discrimination at work, 35% have encountered discrimination regarding housing, etc.). This statistical gulf highlights the inefficiency—or indeed the unwillingness—of French authorities to document anti-Muslim racism. Despite repeated calls for more rigorous data collection, the State persists in its strategy of downplaying the issue. The figures put forward by the authorities are all the more suspect because they obscure the reality of systemic violence inflicted on Muslims, many of whom choose not to file complaints due to fear of reprisals or distrust of law enforcement. By criminalizing religious practice and civic participation, the French State actively contributes to this distrust. Furthermore, the reference to the dissolution of the Collective for Countering Islamophobie in France (CCIF) in 2020, presented by Bertrand Chamoulaud as a victory against Islamism, is doubly outrageous. First, the CCIF was an apolitical and areligious body dedicated to defending fundamental rights and combating discrimination. Second, its dissolution was driven by purely ideological motives within a context of growing anti-Muslim racism. Its dissolution was also condemned by Amnesty International, the French Human Rights League, Human Rights Watch, and many others. By eliminating a key player in documenting and combating Islamophobia, the French State deliberately chose to weaken Muslim minorities. In this respect, the CCIE reiterates that it is not alone in pointing this out: numerous researchers and intellectuals have shown how the fight against so-called “separatism” is being used to restrict fundamental freedoms. In response to this irresponsible article, the CCIE calls on Le Monde to recover a minimum level of journalistic integrity and to stop serving as a sounding board for the paranoid discourse of an extremist political fringe, especially at a time when reactionary and neo-nationalist currents are on the rise across Europe. We demand fair coverage based on verifiable facts, rather than an ideological bias against Muslims in French society. The objective complicity between certain radicalized sectors of the security apparatus and the far right—who share this civil war fantasy—poses a far more tangible threat to national cohesion. We reiterate our commitment to documenting and combating Islamophobia despite attacks and attempts to conceal it. The fight for equality and justice remains at the heart of our work, and we will continue to hold institutions accountable when they fail in their duty of protection and impartiality.

Réponse au Monde : contre la légitimation d’idées complotistes et islamophobes

Réponse au Monde : contre la légitimation d’idées complotistes et islamophobes Le Collectif Contre l’Islamophobie en Europe dénonce avec la plus grande fermeté l’article publié par Le Monde ce lundi 23 décembre, lequel donne la parole sans contradiction à Bertrand Chamoulaud, directeur de la Direction nationale du renseignement territorial. Ce texte, truffé de raccourcis idéologiques et de théories complotistes, témoigne d’une grave défaillance quant au respect des principes journalistiques fondamentaux. En se faisant ainsi le relais d’un discours paranoïaque et islamophobe, Le Monde abdique sa responsabilité d’informer avec rigueur et impartialité. Tout d’abord, l’affirmation selon “les Frères Musulmans [souhaiteraient] faire à terme de la France et de l’Europe un califat en imposant la charia” relève du fantasme d’extrême-droite le plus éculé. De tels propos, indignes d’un haut responsable de la sécurité publique, démontrent un abandon total de toute exigence factuelle au profit d’une diabolisation des musulmans. Cette rhétorique conspirationniste n’est rien d’autre qu’un instrument politique pour justifier des politiques répressives et discriminatoires à l’encontre d’une partie de la population. Le directeur du DNRT continue : “lorsque l’Etat veut rappeler les règles de la République en expulsant des imams, en gelant des avoirs ou en fermant des mosquées, vous entendez des voix qui fustigent l’islamophobie”. La fermeture de lieux de culte, le gel des avoirs, l’expulsion des imams ne sont que des exemples d’une dérive autoritaire et non d’un rappel des règles de la République. L’islamophobie n’est ni une opinion ni une exagération victimaire, mais un phénomène documenté par une littérature scientifique abondante. Nous renvoyons Bertrand Chamoulaud à ces références incontournables qu’il semble fier d’ignorer. L’article illustre par ailleurs un déséquilibre frappant dans la manière dont les actes antisémites et antimusulmans sont abordés. Alors que les premiers sont heureusement recensés et publiés avec minutie, les seconds sont déclarés « difficiles à répertorier ». Ce traitement différencié témoigne d’un refus obstiné de prendre au sérieux l’islamophobie. Le CCIE, à travers ses rapports annuels, fournit pourtant les données les plus complètes sur les actes islamophobes en Europe. En 2022, nous avons recensé 828 actes antimusulmans, soit près de trois fois plus que les 242 signalés par le ministère de l’Intérieur. Pour la période mentionnée, du 1er janvier 2024 au 21 octobre, les chiffres présentés par le directeur du DNRT sont de 143 : le CCIE recense 1096 sollicitations. Le rapport de l’Agence des Droits Fondamentaux (FRA) publié dernièrement indique également que les musulmans sont de plus en plus victimes de discriminations et de racisme (47% ont déjà été victimes de discrimination raciale, 39% de discrimination au travail, 35% pour le logement…)  Ce gouffre statistique révèle l’inefficacité – voire la mauvaise volonté – des autorités françaises à documenter l’islamophobie. En dépit des appels réitérés pour une collecte de données plus rigoureuse, l’État persiste dans sa stratégie de minimisation. Les chiffres avancés par les autorités sont d’autant plus suspects qu’ils occultent la réalité des violences systémiques infligées aux musulmans, dont beaucoup choisissent de ne pas porter plainte par peur de représailles ou en raison de leur méfiance envers les forces de l’ordre. En criminalisant la pratique religieuse et la participation civile, l’État français contribue activement à cette défiance. Ainsi, l’évocation de la dissolution du Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF) en 2020 est présentée par Bertrand Chamoulaud comme une victoire contre l’islamisme. Cette affirmation est doublement scandaleuse. Premièrement, le CCIF était apolitique et areligieux, dédié à la défense des droits fondamentaux et à la lutte contre les discriminations. Deuxièmement, sa dissolution a été motivée par des raisons purement idéologiques, dans un contexte de surenchère islamophobe. Cette dissolution a par ailleurs été condamnée par Amnesty International, la Ligue des Droits de l’Homme, Human Rights Watch parmi tant d’autres. En supprimant un acteur clé de la documentation et de la lutte contre l’islamophobie, l’État français a délibérément choisi de fragiliser les minorités musulmanes. A ce titre, le CCIE rappelle qu’il n’est pas seul à le démontrer : de nombreux chercheurs et intellectuels ont décrit comment la lutte contre le « séparatisme » est instrumentalisée pour restreindre les libertés fondamentales. Face à cet article irresponsable, le CCIE appelle Le Monde à retrouver un minimum de rigueur déontologique et à cesser de servir de caisse de résonance aux discours paranoïaques d’une frange politique extrémiste à l’heure de la progression généralisée en Europe des courants réactionnaires et néonationalistes. Nous exigeons une couverture équilibrée et fondée sur des faits vérifiables, et non sur un parti-pris idéologique contre la présence musulmane au sein de la société française. La complicité objective entre certaines parties radicalisées de l’appareil sécuritaire et l’extrême-droite, qui partage ces fantasmes de guerre civile, constitue une menace bien plus réelle pour la cohésion nationale. Nous réitérons notre engagement à documenter et à combattre l’islamophobie, en dépit des attaques et des tentatives de dissimulation. La lutte pour l’égalité et la justice demeure au cœur de notre action, et nous continuerons à exiger des comptes aux institutions qui faillissent à leur devoir de protection et d’impartialité.

Reconstitution | Le plus beau jour de notre fille

Ce moment qui devait être inoubliable pour cette jeune fille et sa famille s’est transformé en cauchemar. La directrice a exclu la mère portant le foulard de l’établissement, invoquant la loi de 2004 sur les signes religieux, avant de se justifier par des raisons de sécurité. L’enregistrement de cet échange révèle une tentative de couvrir des comportements islamophobes au nom de la « laïcité ».

Le Collectif Contre l’Islamophobie en Europe est une association sans but lucratif basée en Belgique.

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